Globalement, la marche s'est déroulée dans le calme Deux jours après la marche pacifique, saluée pour son caractère pacifique, les Algérois sont retournés, hier, dans la rue, pour exprimer les mêmes revendications de changement. Le rassemblement auquel a appelé le mouvement Mouwatana, fraîchement constitué, a drainé plusieurs centaines de personnes. Personne ne s'attendait à autant de manifestants à la place Maurice Audin à Alger-Centre. Une partie de la rue Didouche-Mourad était, hier, noire de monde. Il semble que la marche de vendredi dernier, ait eu un effet dopant pour l'appel du mouvement Mouwatana. Ainsi, après une série de «flops» le mouvement a réussi à mobiliser au-delà de sa «zone d'influence». Cette marche semble être celle du retour à la revendication pacifique dans les rues de la capitale. Il faut dire que contrairement à la manifestation de vendredi, ses initiateurs sont identifiés et se recrutent parmi les activistes politiques opérant en Algérie. «On assiste à un élan venant des profondeurs de la société, sans précédent, historique et inédit depuis 2001», estime un vieux manifestant, très émerveillé. Entre une salve de youyous et deux sanglots, deux vieilles femmes en larmes, avouent que cette manifestation lui rappelait des moments et des émotions très forts vécus et ressentis lors de la fête et défilé de l'indépendance. En uniforme et tenue civile, des policiers ont été fortement déployés. A plusieurs reprises, la police a tenté de disperser les groupes de manifestants en usant de bombes lacrymogène. La foule des manifestants, qui revient sans cesse à la charge, a réussi à bloquer la circulation automobile sur la rue Didouche-Mourad. Plusieurs figures de proue du mouvement ont été embarqués par la police, pour être relâchés en fin d'après-midi. Il faut noter qu'un impressionnant dispositif de sécurité a été posté, dès l'aube, à travers plusieurs endroits et coins de rues longeant la place Audin. La police a utilisé des bombes lacrymogènes à plusieurs reprises pour disperser les manifestants. En tentant d'empêcher le rassemblement, la police a embarqué plusieurs manifestants, dont les leaders dudit mouvement à l'image de Soufiane Djilali. Ces derniers devaient être relâchés en fin d'après-midi. Les manifestants ont entonné plusieurs chansons patriotiques. Les manifestants sont constitués essentiellement de jeunes, des deux sexes, mais d'autres catégories étaient également représentées. Des youyous stridents ont été lancés par les manifestantes et depuis des balcons tout au long de l'itinéraire de la marche. Nombreux étaient les badauds campés de part et d'autre du trottoir. Une «forêt» de téléphones portables a été sortie par des manifestants et badauds pour immortaliser ces moments «historiques». «Si Dieu le veut, ces vidéos seront visionnées par nos petits-enfants et vive la jeunesse!», susurre un sexagénaire. Dans une ambiance bon enfant, le phénomène des selfies s'est également invité à cette action de rue. «Les Algériens», «l'Algérie libre et démocratique», «vive l'Algérie», «silmiya-silmiya»,littéralement «pacifique-pacifique», sont entre autres slogans scandés par les manifestants, tout en arborant des emblèmes nationaux. Les manifestants ont surtout entonné des chants patriotiques et scandé des slogans hostiles au régime. En somme, tous les slogans entendus lors de la marche du 22 février dernier, notamment, ont été scandés par les manifestants. La circulation a commencé à être rétablie dans la rue Didouche-Mourad aux alentours de 13h et demie, mais les jeunes manifestants continuaient à protester et scander des slogans contre le pouvoir. Vers 14h, des groupes de jeunes irréductibles ont continué à manifester. Globalement, la marche s'est déroulée dans le calme. La mobilisation a été toutefois un peu moindre que vendredi, jour de week-end et de prière, quand des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue, notamment à Alger, où les manifestations sont pourtant strictement interdites, par un décret exécutif datant de 2001. Les manifestants avaient répondu à des appels anonymes lancés sur les réseaux sociaux. Le mouvement Mouwatana, fondé en 2018, est composé de partis d'opposition, d'intellectuels, militants associatifs, journalistes, avocats...etc. Le rassemblement d'hier intervient deux mois avant la présidentielle. L'appel du mouvement Mouwatana à des sit-in dans les régions devant les sièges des wilayas, a été très peu suivi, à l'instar d'Oran, de Constantine ou de Béjaïa où seulement des groupes ne dépassant pas la trentaine de citoyens se sont manifestés.