Chaque jour qui passe dévoile un peu plus les pratiques douteuses de la centrale américaine du renseignement. Centres de détention clandestins, transits tout aussi anonymes d'avions de la CIA -transportant des prisonniers présumés islamistes- sur des aéroports européens, notamment. De fait, les pratiques douteuses de la CIA (centrale du renseignement américaine) défrayent depuis plus d'une année la chronique, chaque jour apportant des éléments nouveaux à verser à un dossier qui prend de plus en plus de consistance. Après l'Espagne, la Norvège, la Suède, l'Allemagne notamment, c'est à la France d'affirmer que des avions présumés affrétés par la CIA ont transité par un (ou des) aéroport (s) français, rapportait dans son édition de vendredi le quotidien français Le Figaro qui affirme: «Des avions affrétés par la CIA et susceptibles d'avoir convoyé des prisonniers islamistes ont fait escale en France à au moins deux reprises, en 2002 et 2005». En fait la situation -sérieuse certes-, est devenue à tout le moins scabreuse par un comportement scandaleux de la part de services dépendant de l'administration américaine, lesquels foulent aux pieds le droit international. Aussi, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, qui entame à partir de demain une visite en Europe, aura fort à faire pour expliquer le scandale des avions et des centres de détention présumés de la CIA qui utilise illégalement le sol et les aéroports européens pour ses basses besognes. De fait, le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, donne le ton en estimant qu'«il s'agit d'accusations très sérieuses », Celui-ci a affirmé jeudi que les Européens attendaient «des informations correctes et adéquates» de Washington, en réponse à la demande d'explications envoyée cette semaine par la présidence britannique de l'Union européenne. La question des vols secrets de la CIA est devenue tellement préoccupante qu'elle fut évoquée lors d'une séance de travail de l'Otan, a déclaré vendredi à Paris la représentante permanente américaine à l'Alliance atlantique, Victoria Nuland. Celle-ci a aussi indiqué que Mme Rice devrait répondre à la lettre de l'Union européenne sur le sujet «très prochainement, aujourd'hui (vendredi) ou pendant son voyage euro-péen» lequel commence demain. En fait, face à la levée de boucliers en Europe, l'administration Bush, de plus en plus embarrassée, tente d'éteindre le feu et promet d'apporter des réponses «opportunes» aux Européens, selon Sean McCormack, porte-parole de la Maison-Blanche, qui a indiqué que les Etats-Unis vont donner une réponse «opportune» et «directe» aux Européens «aux allégations» concernant l'utilisation d'aéroports européens par la CIA. En fait, ces affaires impliquant la CIA dans des pratiques qui enfreignent le droit et les lois internationaux, ont débuté l'an dernier lorsque des ONG ont accusé les Etats-Unis de détenir des prisonniers en dehors de toute norme juridique d'une part, d'utiliser des aéroports en Europe, en Afghanistan et ailleurs en Asie pour le transport de prisonniers présumés islamiques d'autre part. Or, depuis l'éclatement de ces scandales -gardant le profil bas- Washington a toujours refusé de démentir ou de confirmer les information rendues publiques par les ONG. Ainsi, en juin 2004, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a été la toute première à accuser les Etats-Unis de détenir des suspects dans leur guerre contre le terrorisme dans 13 centres de détention secrets (sept en Afghanistan, deux au Pakistan, un sur l'île de Diego Garcia, dans l'océan Indien au large de Madagascar, un en Jordanie, et deux à bord de navires de combat amphibie). En décembre 2004 le Centre pour les droits constitutionnels (CCR, un groupe d'avocats américains spécialisés dans la défense des droits de l'Homme) prenant au sérieux cette affaire, dépose officiellement une demande auprès du gouvernement américain, faisant référence à la loi sur la liberté d'information, pour savoir qui sont ces prisonniers, leurs lieux et leurs conditions de détention. En juin dernier, c'est au tour d'Amnesty International de revenir à la charge accusant les Etats-Unis d'avoir «établi un ‘'archipel'' de prisons souvent secrètes à travers le monde». Le 2 novembre dernier, c'est le quotidien à grand tirage de la capitale américaine, le Washington Post, qui revient sur le scandale en citant 8 pays, dont la Thaïlande et l'Est européen (qu'il ne cite pas nommément), dans lesquels «des prisons secrètes ont été ouvertes et où plus de 100 suspects auraient été détenus». Mais c'est le ministre tchèque de l'Intérieur, Frantisek Bublan qui porte l'estocade en affirmant le 2 novembre qu'un mois plus tôt, Prague avait rejeté une demande des Etats-Unis lui demandant «d'installer sur son territoire un centre de détention pour accueillir des prisonniers de la base de Guantanamo». Ce qui donne consistance aux accusations portées contre les Etats-Unis depuis plus d'une année alors que la CIA s'est engagée dans des pays tiers dans des activités qui, outre de contrevenir au droit international, violent la souveraineté de plusieurs Etats dans le monde.