«Il y a deux catégories de télévision: la télévision intelligente qui fait des citoyens difficiles à gouverner et la télévision imbécile qui fait des citoyens faciles à gouverner.» Jean Guéhenno L'Entv, le dernier bastion médiatique du pouvoir, a vécu lundi dernier, un véritable séisme. D'abord plusieurs dizaines de journalistes et de personnels de la télévision publique nationale ont manifesté devant les grilles de l'entrée du 21, boulevard des Martyrs, pour dénoncer la «censure» sur leurs chaînes, à l'heure où la population défile en masse depuis un mois pour réclamer le départ du président Abdelaziz Bouteflika. C'était le troisième rassemblement depuis le début de la contestation, le 22 février, qui se traduit par des rassemblements géants à travers le pays, mais aussi de multiples manifestations catégorielles. Les journalistes ont observé une minute de silence, la main symboliquement posée sur la bouche, pour dénoncer les entraves à leur métier.Les journalistes des médias publics ont commencé à faire entendre leurs voix depuis le début de la contestation contre M. Bouteflika. Ce genre de rassemblements de journalistes des médias publics était inimaginable auparavant. La télévision publique, qui bénéficie aussi bien de la protection policière que de la présence d'éléments infiltrés des renseignements généraux. Début mars, une présentatrice du journal de la télévision publique, Nadia Madaci, a démissionné, après avoir lu à l'antenne une lettre de M. Bouteflika, annonçant le dépôt de sa candidature à la présidentielle du 18 avril -depuis reportée- et aurait été apparemment empêchée d'annoncer celle d'un autre candidat. Radio et télévision publiques ont d'abord totalement passé sous silence les manifestations, avant d'en faire état en atténuant les mots d'ordre. La télévision va justement aux extrêmes, puisqu'elle a diffusé, des images de manifestants qui appelaient «FLN dégage». Une reprise qui a été mal appréciée par le FLN qui a appelé au limogeage de son DG, Tewfik Khelladi. Ce dernier a été remplacé par Lotfi Cheriet, déjà proche du clan présidentiel. Alors qu'il dirigeait la chaîne qui allait faire la campagne pour le 5e mandat, Lotfi Cheriet a été appelé au secours pour sauver ce qui reste de la télévision publique, face à la concurrence parfois déloyale des chaînes privées. Depuis plusieurs semaines, les journalistes de l'audiovisuel public algérien dénoncent les pressions de leur hiérarchie au sujet de la contestation populaire, d'une ampleur inédite, contre M. Bouteflika, en place depuis 20 ans, son gouvernement en particulier et le «système» politique en général. La venue de Cheriet va constituer un tournant dans le traitement de l'information au 21, boulevard des Martyrs. Dans les prochains jours, d'autres changements sont attendus, notamment au niveau des autres directions de l'Eptv mais aussi de l'Enrs et TDA. [email protected]