Ils ont crié contre la désinformation et l'opacité qui se sont érigées en règle dans les rédactions des cinq télés publiques. Au lendemain du sit-in organisé par leurs collègues de la Radio nationale, les journalistes de la Télévision algérienne ont observé, hier après-midi, un rassemblement de protestation à l'intérieur du siège de l'ENTV, au boulevard des Martyrs, à Alger. Ils travaillent dans les cinq chaînes de la Télévision algérienne (la Terrestre, A3, Canal Algérie, la Quatre et Coran TV). Ils se sont rassemblés, en fait, pour crier leur indignation contre les pratiques de désinformation et de rétention de l'information, imposées par leur hiérarchie et, du coup, dénoncer la loi de l'omerta. Une première dans les annales de ce média public. C'est en effet pour la première fois dans l'histoire que des professionnels de l'Unique initient une telle action de contestation, pour réclamer la neutralité dans le traitement de l'information liée aux activités de l'opposition ou des partis de l'Alliance présidentielle. La mobilisation d'hier signe le début d'une nouvelle ère à la télé. Cette action se veut, aussi, une démonstration pour signifier aux décideurs que les journalistes du secteur public sont déterminés à sauvegarder leur dignité, rapporter la vérité aux citoyens algériens et diffuser même les grandes manifestations publiques organisées depuis une semaine contre le 5e mandat. Appuyés par ceux des chaînes de la radio, les reporters de la télé se sont donné rendez-vous à partir de 14h dans la grande cour jouxtant l'entrée principale de l'entreprise. Ils ont scandé des slogans hostiles à leur hiérarchie qui "excelle dans le matraquage médiatique et la propagande". "Y en a marre de la censure", "Notre métier, c'est d'informer et non pas de désinformer", ou "Nous assurons un service public et non pas un service étatique", ou encore "Nous sommes la voix du peuple", ont dénoncé les protestataires qui estiment que l'heure des anciennes pratiques d'opacité a vraiment sonné. Ils n'ont pas manqué aussi de rappeler leur solidarité avec le journaliste réalisateur qui a été sanctionné par la direction pour avoir publié sur son compte Facebook un post portant sur son opposition au 5e mandat. Selon un journaliste, "la Direction générale de l'ENTV s'est ravisée en levant la sanction et l'a réintégré hier mardi (avant-hier, ndlr)". Vers 14h30, les protestataires ont tenté de sortir pour initier une marche sur le boulevard des Martyrs, mais les policiers et les agents de sécurité de l'ENTV étaient là pour les en empêcher en procédant à la fermeture du grand portail. À défaut, les reporters ont marqué une longue halte devant l'entrée principale en entonnant l'hymne national, pour rappeler leur revendication. Ils ont notamment scandé "Nous sommes des journalistes libres et démocratiques". C'est inédit. Des journalistes nous ont pris à témoin pour s'insurger contre "les pratiques de censure dans la rédaction. Tous les reportages sont passés à la loupe. Nous, les journalistes, ne faisons jamais dans la rétention des faits. Nous rapportons fidèlement les faits et dans le détail, mais c'est la hiérarchie qui recourt aux ciseaux", dénoncera un reporter. Signalons, enfin, que les journalistes tiendront ce matin jeudi, à partir de 11h, un rassemblement à la place de la Liberté, rue Hassiba-Ben Bouali, pour réclamer le retrait de la candidature du Président sortant. Pour leur part, nos confères de Constantine tiendront, ce matin, un autre sit-in pour signifier leur refus au 5e mandat de Bouteflika. Hanafi H.