La constitutionnaliste Fatiha Benabbou «Une autre alternative que celle d'appliquer l'état d'empêchement serait désastreuse pour le pays.» Ce sont les spécialistes qui le disent... Gaïd Salah a-t-il violé la Constitution? Non, bien au contraire!, répondent les spécialistes en droit constitutionnel. En effet, au moment où tous le monde se prétend professionnel en la matière, sortant des théories plus farfelues les unes que les autres, les vrais experts donnent leur quitus. Ils ont même soutenu que l'application de l'article 102 de la Constitution était «inévitable» si l'on voulait préserver la stabilité du pays et ses institutions. «C'est la seule alternative et le seul instrument juridique et constitutionnel qui existent pour éviter une situation en dehors du cadre constitutionnel», a tranché, hier, le professeur de droit constitutionnel, Walid Laggoune. Cet éminent spécialiste en la matière a lancé depuis plusieurs semaines déjà des appels à qui de droit d'appliquer l'article 102 qui permettrait une sortie de crise «légale». Il s'est dans ce sens réjoui que l'Armée nationale populaire (ANP) se soit prononcée «en faveur de l'expression populaire». Le professeur Walid Laggoune tient à rappeler que le respect de la Constitution est, depuis cinq vendredis déjà, une revendication constante du peuple. Elle l'a été surtout par les magistrats et les avocats qui ont exprimé cette exigence dans la rue. Il faut dire que les magistrats et avocats, les plus aptes à débattre en matière de droit constitutionnel, ont envahi les rues ces dernières semaines en brandissant des pancartes appelant à appliquer cet article de la Constitution. Car, comme l'affirme le professeur Laggoune, l'obstination du Président Bouteflika à aller au-delà de la fin de son mandat aurait eu de graves conséquences sur le pays! «Devant l'obstination du Président de ne pas répondre à l'expression populaire, il ne restait que l'alternative de la déclaration de l'empêchement», a-t-il affirmé, se réjouissant également qu'on soit revenu au texte de la Constitution avant le 28 avril, date de l'expiration du mandat du président de la République en exercice. La balle est dans le camp de Belaïz... L'avis de cet universitaire est partagé par sa collègue professeure Fatiha Benabbou. Cette enseignante en droit constitutionnel, qui est connue pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, dira que c'est une solution constitutionnelle à la crise et préserver la stabilité du pays et l'unité nationale. La professeure Fatiha Benabbou va encore plus loin en estimant qu'une autre alternative que celle d'appliquer l'état d'empêchement serait désastreuse pour le pays. «Il serait dangereux de s'embarquer dans la conjoncture actuelle dans de nouvelles aventures», a-t-elle soutenu citant notamment l'appel à une Assemblée constituante. Elle a considéré qu'il est dans l'intérêt du peuple, du moins dans la phase actuelle, d'accepter la proposition du général de corps d'armée Gaïd Salah. «La sauvegarde du pays, sa stabilité et son unité nationale sont plus importantes que toute autre chose», a soutenu cette dame qui n'a pas cessé, ces dernières années, de dénoncer les viols répétés de la constitution. Dans ce sens, elle a tenu à mettre en avant le fait que Gaid Salah n'a pas outrepassé les prérogatives du Conseil Constitutionnel en proposant l'application de l'article 102. Comment calmer la rue? «Gaïd Salah s'est limité à faire une proposition et cela ne peut pas être considéré comme une ingérence ou une atteinte aux prérogatives du Conseil constitutionnel», explique-t-elle. Dans ce sens, les deux experts en droit ont mis en avant le fait que le dernier mot revenait au Conseil constitutionnel. «Il appartient maintenant au président du Conseil constitutionnel de déclarer l'état d'empêchement, conformément aux prérogatives que lui confère la Constitution en la matière», ont-ils mis en avant. La balle est donc dans le camp de Tayeb Belaïz et ses collaborateurs. L'armée a pris ses responsabilités, à lui de faire de même! Mais cela sera-t-il suffisant pour calmer la rue? «Non», estime le chercheur Brahim Oumansour. Pour ce géopolitologue, spécialiste du Maghreb, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), les revendications populaires ne pourront être satisfaites que par un changement de régime et de génération. «Il faut trouver des mécanismes qui permettraient une transition plus lente, plus douce, qui pourrait éviter des dérives. Il faudra donner des garanties, des mesures crédibles qui permettront de gagner la confiance de la population mobilisée», a-t-il soutenu. Chose que devrait proposer l'armée dans sa feuille de route qui devrait suivre le départ de Bouteflika. Wait and see...