Des manifestations sont prévues vendredi prochain Lundi, la foule a exhorté l'institution militaire, qui n'est pas directement intervenue depuis le début des manifestations, à soutenir son mouvement et à discuter d'un «gouvernement de transition» pour remplacer le président Béchir. Des milliers de Soudanais étaient toujours rassemblés hier, pour la quatrième journée consécutive, devant le QG de l'armée à Khartoum, après avoir résisté à une tentative des forces de sécurité de les déloger à l'aide de gaz lacrymogène, selon des témoins. Scandant «liberté, liberté», des milliers d'hommes et femmes ont campé une nouvelle nuit devant ce grand complexe dans la capitale soudanaise qui sert aussi de résidence pour le président Omar el-Béchir. Bravant l'interdiction de manifester, ils sont massés depuis samedi devant ce QG, dans ce qui constitue le rassemblement le plus massif depuis le début de la contestation du régime il y a près de quatre mois. Lundi, la foule a exhorté l'institution militaire, qui n'est pas directement intervenue depuis le début des manifestations, à soutenir son mouvement et à discuter d'un «gouvernement de transition» pour remplacer le président Béchir. A cette heure, les intentions exactes de l'armée restent inconnues. Tôt hier, les forces de sécurité du puissant Service national de renseignement et de sécurité (NISS) et la police antiémeutes -qui mènent la répression- ont tiré des gaz lacrymogènes pour tenter de déloger les manifestants. «Il y a des tirs intenses de gaz lacrymogènes après quoi l'armée a ouvert les portes du complexe pour laisser entrer les manifestants», a dit un des témoins.»Quelques minutes plus tard, un groupe de soldats a tiré en l'air pour repousser les forces de sécurité qui faisaient usage de gaz lacrymogènes», a-t-il indiqué. Un autre témoin a confirmé les faits. Plus tard, des soldats transportant un corps sur un pick-up sont entrés dans le complexe, selon un témoin. «Quel est le prix à payer pour des martyrs?», ont ensuite scandé les manifestants alors qu'aucune information n'a pour l'heure été donnée sur l'identité de la victime.. Lundi, devant le QG de l'armée, l'opposant Omar el-Digeir, chef du Parti du Congrès soudanais, a appelé l'armée à «engager un dialogue direct» avec l'Alliance pour le changement et la liberté, une union de partis d'opposition et de professionnels soudanais, «afin de faciliter un processus pacifique débouchant sur la formation d'un gouvernement de transition». «Les forces armées soudanaises comprennent les motifs des manifestations et ne sont pas contre les demandes et les aspirations des citoyens, mais elles ne laisseront pas le pays sombrer dans le chaos», a répondu le ministre de la Défense, le général Awad Ahmed Benawf, selon l'agence officielle Suna. Dans un communiqué, le général Kamal Abdelmarouf, chef d'état-major de l'armée, a précisé que celle-ci «continuait d'obéir à sa responsabilité de protéger les citoyens». Depuis le début du mouvement en décembre, l'armée n'a pas participé à la répression des manifestations, menée par le NISS et par les forces de police antiémeute. Un conseil a été formé par les organisateurs de la contestation pour lancer des négociations avec les forces de sécurité et la communauté internationale, dans le but de transférer le pouvoir à un «gouvernement de transition, fidèle aux voeux de la révolution», a déclaré M. Digeir. «Nous réitérons la demande du peuple de démission immédiate du chef du régime et de son gouvernement», a-t-il dit. Au moins 38 manifestants ont été tués depuis le début de la contestation, dont sept samedi, selon les autorités. Déclenchées en décembre par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, les manifestations se sont rapidement transformées en contestation contre al Béchir, à la tête du pays depuis 1989. Le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, est confronté à une inflation de près de 70% par an et fait face à un grave déficit en devises étrangères. Depuis le début des contestations, M. Béchir a refusé de démissionner. Il a instauré, le 22 février, l'état d'urgence. La mobilisation avait alors nettement baissé, jusqu'à samedi. Le SG de l'ONU Antonio Guterres a exhorté lundi le gouvernement à «créer un environnement propice à une solution à la situation actuelle et à la promotion d'un dialogue inclusif». Les grandes capitales mondiales sont en revanche restées discrètes face à l'évolution de la contestation.