Après la nomination de Bensalah à la tête du pays, les services de sécurité ont resserré l'étau sur les manifestants. Mais cela ne les a aucunement fait reculer, bien au contraire, le Hirak a retrouvé un second souffle... Huit à zéro pour le Hirak! L'acte VIII de la mobilisation contre le système a été comme les sept précédents, c'est-à-dire avec une mobilisation fabuleuse et un esprit toujours aussi «pacifique». En effet, les Algériens ont remporté, hier, une nouvelle bataille contre le pouvoir. Ils étaient des millions à marcher à travers le pays avec un seul mot d'ordre: «Trouhou gaâ!». Ce12 avril a été un tournant décisif pour l'avenir du pays avec une démonstration de force plus importante que les autres semaines où femmes et hommes, jeunes, moins jeunes et même enfants ont dit «non à la transition programmée et oui à la voie du peuple». Une victoire et pas des moindres! Car, elle intervient après une semaine de guerre psychologique avec la nomination d'un chef d'Etat par intérim qui a été suivi par le retour de la pression et répression des services de sécurité. Les autorités ont joué sur la peur pour «freiner» la mobilisation. À l'exemple des dernières 48 h où les entrées vers la capitale étaient quasi impossibles! «El Mahroussa» n'a jamais aussi bien porté son nom. Un dispositif sécuritaire impressionnant a été mis en place dès jeudi matin, provoquant des embouteillages monstres. Les véhicules touristiques et surtout les bus étaient minutieusement «contrôlés». De nouveaux barrages filtrants ont été installés aux entrées Est et Ouest de la capitale. Il fallait compter presque 7 h de route pour venir de Tizi Ouzou vers Alger. Cette «sape» psychologique n'a pas empêché des milliers de manifestants venus de wilayas lointaines de gagner Alger pour dire non aux «3B» (Bensalah, Bedoui, Belaïz, Ndlr). Au lieu d'arriver tôt le matin comme à leur habitude, ils ont choisi le début de soirée où ils ont improvisé un «bivouac» au niveau du grand parking du centre commercial, Ardis. «On sent que ça sera chaud demain. On pense que les services de sécurité vont nous réprimer, mais cela ne nous fait pas peur. On est mobilisé et on restera pacifique», ont expliqué ces «campeurs» d'un soir. Les barrages, les saisies et le campement! Hier, jour de marche, ils étaient à Alger aux aurores. Avant même que la capitale ne se lève, ils avaient déjà commencé à se rassembler au niveau de la Grande Poste où ils scandaient des slogans hostiles au pouvoir, ainsi que des chants patriotiques. Les Algérois qui ont été réveillés aux sons du Hirak leur ont offert un petit déjeuner avant de les rejoindre pour cette nouvelle journée historique. Au même moment, le «quadrillage» d'Alger se poursuivait avec des barrages «filtrants» qui ont fait leur retour aux entrées du Grand Alger. À l'est par exemple, c'est à partir de Boudouaou (wilaya de Boumerdès) que gendarmes et policiers se sont installés, séparément dans certains endroits et ensemble dans d'autres. Comme la veille, ils filtraient les véhicules visant notamment ceux immatriculés hors Alger, ou ceux transportant plusieurs personnes. Ils les ont «fouillés» minutieusement à la recherche de dangereuses «armes» que sont les pancartes de protestations. Certains agents de l'ordre ont même fait la chasse aux fanions et drapeau algérien qu'ils saisissaient à leurs propriétaires sans aucune justification. Refusant de tomber dans le piège de la provocation, les manifestants leur ont répondu avec le sourire: «Khawa, khawa» au moment où leurs autres compatriotes piégés dans les embouteillages entonnaient un défilé de klaxons. Une ambiance tendue, voire délétère règne! Néanmoins, elle est vite «apaisée» par la volonté et la joie de ces millions d'Algériens sortis en masse pour imposer la volonté populaire... La délivrance puis les... casseurs arrivent Ainsi, 10 h du matin à peine passés qu'Alger était déjà noire de monde. Les forces de l'ordre ont tenté par tous les moyens de disperser la foule. Les gros camions antiémeute ont même «occupé» toute la rue Didouche-Mourad, en vain! La foule était déterminée à dire «non à la présidence de Bensalah et au retour des symboles de l'ère Bouteflika». Cette témérité a été symbolisée par la bataille hautement symbolique des escaliers de la Grande Poste. Cette place mythique de la révolution du 22 février a été occupée dès la matinée par une marée humaine avant qu'une vague de policiers ne tente de la recouvrir. Cela c'était sans compter avec la ténacité des manifestants qui ont fini par l'envahir, comme d'ailleurs le reste des rues d'El Bahdja. À midi, presque tout le centre était noir de monde et la foule continuait à affluer sous les cris de «la Bensalah, la Gaïd Salah» ou encore un seul «Gaïd: le peuple». Plus le temps passe, plus la foule grandit. Il n'y a pas un millimètre de vide, on arrive à peine à se mettre debout, mais on trouve le moyen de marcher pour «libérer l'Algérie». Le traditionnel défilé au niveau du tunnel des Facultés, rebaptisé «ghar Hirak», a encore été une communion entre Algériens, toujours aussi exemplaires.