Ils font toujours face au QG de l'armée Hier, ils étaient encore des milliers devant le QG de l'armée, dans l'expectative. 16 morts et plusieurs dizaines de blessés ont été recensés au cours des dernières quarante-huit heures de manifestations à Khartoum pour contester la mise en place d'un Conseil militaire de transition, après le départ forcé du président Omar el Béchir. La police criminelle a attribué à «des balles perdues» victimes qui s'ajoutent au nombre déploré depuis le début de la contestation le 19 décembre 2018. Déclenchées ce jour-là pour réclamer l'amélioration des conditions socio-économiques et le départ du président el-Bachir, les manifestations ont pris de l'ampleur la semaine dernière, sans doute galvanisées par les images de celles qui agitent l'Algérie chaque vendredi depuis plus d'un mois. Cinq jours durant, les Soudanaises et Soudanais ont pris possession de jour comme de nuit des alentours du quartier général de l'armée où se trouve également le siège du ministère de la Défense, obtenant en fin de compte la réponse de l'armée jeudi dernier quand elle a destitué le président el Béchir. Un Conseil militaire a été créé pour gérer le pays durant une phase de transition prévue pour deux ans tout au plus et un couvre-feu a été instauré. Mais des milliers de manifestants ont bravé l'un comme l'autre, exigeant la restitution du pouvoir aux civils. Plusieurs capitales ont exhorté les nouvelles autorités à «respecter les aspirations démocratiques» du peuple soudanais tandis que l'Union africaine a aussitôt critiqué la «prise de pouvoir par l'armée». Prenant acte de ces appels et de ces critiques, le Conseil militaire de transition a promis un dialogue «avec les entités politiques» ainsi que l'instauration d'un «gouvernement civil». Tandis que Omar el Béchir était placé en résidence surveillée et la demande d'extradition de la CPI totalement écartée, un coup de théâtre est advenu vendredi soir avec la démission du chef du Conseil de transition le général Awad Ibn Ouf qui, dans un discours télévisé, a annoncé sa démission et son remplacement par le général Abdelfatah al Burhane, moins impliqué dans la gestion des années el Béchir. Des scènes de liesse à Khartoum et Omdurmane, notamment ont accueilli cette décision. Hier, ils étaient encore des milliers devant le QG de l'armée, dans l'expectative. Les consignes de l'Association des professionnels soudanais, instance qui pilote la contestation, étaient attendues par la foule qui a passé la nuit sans savoir si elle devait poursuivre le rassemblement ou évacuer les lieux. S'adressant à la nation devant un parterre de diplomates arabes et africains, le général Omar Zine El Abidine, membre du Conseil militaire, a affirmé que son rôle «est de protéger la sécurité et la stabilité du pays» et qu'il ne s'agit pas d' «un coup d'Etat militaire, mais une prise de parti en faveur du peuple». Quant à l'ambassadeur du Soudan à l'ONU, il s'est adressé au Conseil de sécurité pour assurer que le nouveau Conseil militaire «se contentera d'être le garant d'un gouvernement civil», et ainsi dissiper les appréhensions de la communauté internationale. Le général Zine el Abidine a d'ailleurs insisté la veille sur la volonté du Conseil militaire de travailler «main dans la main avec les manifestants». Hier, on apprenait enfin la démission du chef des Renseignements soudanais (Niss), Salah Gosh, principal acteur de la répression de la contestation, alors que les manifestants, toujours mobilisés devant le QG de l'armée, attendent les consignes des leaders du mouvement. Rappelons que le nouveau chef du Conseil militaire de transition, le général Abdel Fattah al-Burhane, a fait ses classes dans une école de l'armée soudanaise avant de bénéficier d'une formation en Egypte et en Jordanie. Commandant de l'armée de terre, il a été promu par le président el Béchir inspecteur général de l'armée, en février dernier. Très apprécié en Arabie saoudite, il a diligenté les effectifs soudanais engagés au Yémen dans le cadre de la coalition sous commandement saoudien intervenue en 2015 dans ce pays, face aux rebelles Houthis accusés de liens avec l'Iran. Si on ignore le nombre exact de ces effectifs, on sait que plusieurs centaines d'officiers et de soldats soudanais sont mobilisés au Yémen, où ils ont subi des pertes importantes. Les manifestants ont réagi aux images des combattants tués ou blessés en demandant, sur les réseaux sociaux, leur retour immédiat. L'Algérie appelle à une transition pacifique et fluide L'Algérie suit avec «une attention particulière» les développements intervenant au Soudan et appelle à «une transition pacifique et fluide du pouvoir conformément à la volonté du peuple soudanais frère et ses aspirations légitimes», a indiqué,vendredi, un communiqué du ministère des Affaires étrangères.«Confiante en la capacité de ce pays frère à surmonter cette conjoncture délicate en préservant sa sécurité et son intégrité, l'Algérie demeure convaincue que le peuple soudanais pourra réaliser ses espoirs pour un avenir meilleur dans le cadre de la liberté et de la démocratie», a précisé le ministère. Appelant à «une transition pacifique et fluide du pouvoir conformément à la volonté du peuple soudanais frère et ses aspirations légitimes», le ministère des Affaires étrangères à rappelé dans son communiqué «les relations historiques solidement enracinées» liant l'Algérie et le Soudan, insistant sur la nécessité «de préserver la stabilité et la sécurité de ce pays».