Près de 3 millions de mines datant de la période coloniale menacent les habitants des zones frontalières. L'armée algérienne se lance un dernier défi : arriver à détruire les trois derniers millions de mines disséminés par les armées coloniales françaises le long des bandes frontalières est et ouest. L'opération de destruction des mines antipersonnel a été lancée la première fois par l'état-major de l'armée le 24 novembre 2004, à Hassi Bahbah, et a abouti à la destruction d'un premier lot de 3030 mines antipersonnel. Les 28 et 29 mars 2005, c'est pratiquement 53.702 mines qui sont mises hors d'usage, puis 36.729 autres, les 18 et 19 avril 2005, toujours au polygone central de Hassi Bahbah. Les opérations se sont poursuivies à un rythme plus rapide que prévu, et devraient prendre fin en mars 2006. La dernière opération, qui s'est déroulée il y a un mois, a permis l'élimination totale des mines antipersonnel détenues par l'armée algérienne, faisant de l'Algérie un des tout premiers pays au monde à honorer ses engagements politiques et de paix contractés par sa ratification de la Convention d'Ottawa. Cependant, les nouveaux défis qui se posent à l'ANP sont tout autres, et concernent en premier lieu la destruction de quelque 3 millions de mines antipersonnel datant de l'époque coloniale et qui continuent à faire des victimes annuellement, en Algérie. Lors de la destruction publique des mines antipersonnel détenues par l'ANP, il y a une année, à Dhaïat Labkhour, à 70 km au nord-ouest de Djelfa, le chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah estimait à 11 millions le nombre de mines enfouies sous terre par l'armée coloniale avant 1962 et à 8 millions celui qui a été détruit depuis quarante ans à ce jour. «Mais, hélas, il reste un peu plus de 3 millions de mines antipersonnel qui guettent encore les civils». Dans un document élaboré par le ministère de la Défense nationale, on peut lire: «Les frontières algériennes de l'Est avec la Tunisie et de l'Ouest avec le Maroc ont fait l'objet de verrouillage par l'armée coloniale qui avait procédé à l'installation de barrages de mines dénommés «lignes Challe et Morice» au moyen de mines à pression antipersonnel indétectables de type Apid-51 (mines encrier) et de mines antipersonnel métalliques bondissantes de type Apmb-51/5 détectables». Ce verrouillage débute par la réalisation d'un tronçon expérimental de 5 km à la frontière ouest au début de l'année 1957 puis se généralise à partir de juin 1957. Concernant la localisation des zones minées, l'ANP a depuis longtemps dressé une carte géographique et fait ressortir les zones minées par l'armée coloniale en 1957-59, et dénommées «ligne Challe» et «ligne Morice» et s'étendant sur près de 14.000 km aux frontières est et ouest du pays. L'état-major de l'armée avait tracé au 15 janvier 2003, une carte où ressortaient clairement les zones infestées, tant à l'est qu'à l'ouest du pays et estimait la densité des mines sur les frontières entre 0,8 et 3,5 par mètre linéaire. A la frontière est, la ligne Morice (1957-1958) s'étend sur une distance de 460 km allant d'Annaba à Negrine en passant par Souk Ahras, Tébessa, El-Mabioud et Bir El-Ater. La ligne Challe (1958-1959) s'étend, elle, d'Oum Tboul à Souk Ahras, en passant par El-Ayoun, El-Kala, Aïn El-Assel, Taref et Bouhadjar. Elle se prolonge vers le sud en passant par El Kouif jusqu'à Negrine. A la frontière ouest, les deux lignes, Morice (1958) et Challe (1959), s'étendent sur une longueur de 700 km, de Marsa Ben M'hidi à Béchar, en passant par El Aricha, Mécheria, Aïn Sefra, Djenane Bourezgue et Beni-Ounif. Les plus répandues et les plus meurtrières de ces «mines de quarante-six ans» sont les Apid 51 et les bondissantes Apmb-51/5, qui ont été les plus utilisées par l'armée française. La difficulté de déminer certaines zones (30 km à l'est et à l'ouest) ainsi que l'existence de zones qui n'ont pas encore été déminées à ce jour (près de 200 km), ne représentent presque rien à côté des zones totalement déminées par l'armée algérienne (740 km à l'est et 220 km à l'ouest), mais celles-ci restent encore pleines de péril et tueuses pour les citoyens isolés. La récente réunion des «5+5» a inscrit dans ses objectifs pour 2006, l'aide à l'Algérie afin de venir à bout de ces engins de la mort, mais, au niveau de l'état-major, on pense bien qu'il faudra encore compter sur ses propres moyens. Car, à ce jour, les cartes détenues par la France n'ont pas été remises à l'Algérie, et il n'existe pas, en outre, des moyens modernes autres que la détection pour venir à bout de ce fléau meurtrier, qui fait «bon an, mal an», son lot de victimes, de morts et de handicapés à vie.