L'auteur Benguettaf dresse un portrait tragi-comique de l'Algérie. Est-il encore besoin de présenter M'hamed Benguettaf? L'homme, qui ne fait qu'un avec le TNA, dans lequel il a grandi et auquel il a donné le meilleur de lui-même, est né en 1939 à Alger. Comédien et homme de théâtre jusqu'au bout des ongles, il a commencé sa carrière à la radio, avant de rejoindre le Théâtre national d'Alger. Il est également l'un des cofondateurs, au début des années 90, avec les débuts de la libéralisation, de la Compagnie Mesrah El Kalaâ (Théâtre de la citadelle), avec Zyani Cherif Ayad. Il s'est également imposé sur le plan international comme auteur en éditant des pièces comme La Répétition ou Le Rond point (édition Lansman 1994), Arrêt fixe (1995), Fatma, Le Bruit des autres (1998, édition bilingue), Matin de quiétude (Lansman 1998). On saura aussi qu'il a traduit et adapté Nazim Hikmet, Kateb Yacine, Ali Silem, Mahmoud Diab, Mohamed Dib ou Ray Bradbury, une expérience qui lui a permis de parfaire son style et de figurer, aujourd'hui, parmi les grands dramaturges de sa génération. En 2003 à Grenoble, sera créé L'Homme qui n'y était pour rien ; une adaptation contemporaine de Don Quichotte, par la troupe la Fabrique des petites utopies, alors que le festival Regards croisés présentera Fatma, avec Fadela Hachemaoui, comédienne du Théâtre régional d'Oran. Auteur globe-trotter, M'hamed Benguettaf avait, entre autres participé au Festival des francophonies en Limousin, où il avait fait une lecture publique de sa pièce Arrêt fixe, qui raconte l'histoire d'un prisonnier condamné à perpétuité et de son geôlier, devenus complémentaires malgré eux, et qui, rendus à une vie normale - l'un libéré, l'autre mis en retraite, - se retrouveront au même arrêt d'un bus qui ne s'arrêtera jamais pour eux. La critique avait trouvé la langue de la pièce captivante, vigoureuse, satirique et Benguettaf éblouissant par son inaliénable lucidité. Quant à la pièce Matin de ... quiétude, elle met en scène, à travers les yeux de Salah, la vie populaire d'une grande cité qui défile sur fond ... de quiétude. Avec beaucoup de tendresse et de poésie, M'hamed Benguettaf dresse un portrait tragi-comique de l'Algérie vue à travers le quotidien d'un peuple qui tente de préserver l'essentiel : sa foi en l'avenir grâce à sa jeunesse. A signaler également que Fatma, en représentation actuellement sur les planches du TNA, a été traduite en catalan, bulgare, français, espagnol. La répétition est jouée par Thouria Djebrane au Maroc. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais la biographie n'est pas exhaustive. C'est-à- dire qu'à soixante ans passés, M'hamed Benguettaf se retrouve malgré lui dans le rôle de doyen du Théâtre national algérien. Auteur, comédien, metteur en scène, il maîtrise tous les arts de l'art dramatique, et à ce titre, malgré la traversée du désert et la longue rupture imposées par la décennie noire, il est celui à même de transmettre aux générations montantes la flamme du théâtre. Et cela est valable aussi bien pour les comédiens nouvellement recrutés que pour le public, qui réapprend à réinvestir la salle prestigieuse de la place Port Saïd. Sa nouvelle fonction, celle de gestionnaire, est-elle facile à assumer? Non, avoue-t-il. «Je ne suis pas fait pour les chiffres et les décrets. Pour s'en sortir, il faut être bien entouré. J'ai vu tout le monde venir vers moi. La confiance règne.» Mais gageons qu'avec un background comme le sien, il n'est pas vraiment impossible d'harmoniser entre l'aspect artistique et la nécessité de courir derrière le nerf de la guerre. Il reconnaît à Mme Toumi, la ministre de la Culture, sa volonté de bien faire. «C'est un bout de femme qui essaie de faire son travail. Elle a institutionnalisé le festival de Mostaganem, le festival du théâtre professionnel d'Alger, celui de Médéa, celui du melhoun à Biskra. Il y a une dynamique qui est mise en route et qui nous encourage à faire des choses, pour aller de l'avant.».