Le Festival international du théâtre d'Alger s'est ouvert officiellement avant-hier soir au Théâtre national algérien, avec des hommages et une représentation de Ventres pleins, ventres creux. Cette édition africaine se poursuivra jusqu'au 20 juillet prochain, et propose outre les représentations, des ateliers de formation et un colloque. Lors de la cérémonie d'ouverture, le responsable du département théâtre (également directeur du TNA), M'hamed Benguettaf, a lu le discours de la ministre de la Culture qui n'a pu être présente. Mme Toumi a rappelé dans son discours que “l'Afrique revient en Algérie où la voix de Myriam Makéba résonne encore. L'Algérie est l'Afrique et voilà que l'Afrique est aujourd'hui baptisée Algérie. Ce festival représente des journées portes ouvertes sur la beauté dans l'Algérie africaine”. De son côté, le commissaire du festival, Brahim Noual, a déclaré dans une brève allocution : “Notre mère l'Afrique, berceau de l'humanité, a choisi pour capitale Alger. Ensemble nous allons tenter de bâtir des ponts afin de redéfinir ensemble la création et la liberté.” L'assistance a eu droit ensuite à un diaporama, conçu et présenté par Abdesslem Ikhlef et réalisé par Abdenacer Khellaf. Il a en fait été question de théâtre africain et de ses personnalités dans tout le continent. Place ensuite aux hommages ! En effet, 15 grands noms du théâtre africain ont été honorés, notamment le dramaturge algérien feu Ouled Abderrahmane Kaki, le Sénégalais Ousmane Diyakaté, la grande Nouria Kezderli, le burkinabé Jean-Pierre Giguane Daogo, le comédien algérien Taha El-Amiri, le Soudanais Ali Mahdi, le Tchadien Koulsy Lamko, l'Ivoirien Bernard Benlin Dadie, le Nobel de littérature (en 1986) le Nigérian Wole Soyinka, l'Ivoirien Sidiki Bakaba, la tragédienne algérienne Keltoum, le comédien Sidi-Ali Kouiret, le dramaturge et comédien M'hamed Benguettaf, le Tunisien Mohamed Idriss et l'homme de théâtre malien qu'on a notamment apprécié dans London River de Rachid Bouchareb, Sotigui Kouyaté. Ce dernier, très malade, a quand même fait le déplacement pour Alger et a reçu son prix des mains de M'hamed Benguettaf, non sans grande émotion. Notons également que M'hamed Benguettaf qui s'est dit surpris par cet hommage, a interprété en 1969, lors du premier Panaf', aux côtés de Keltoum, le rôle d'un jeune révolutionnaire algérien, dans la pièce Ihmirar El Fedjr (Rouge l'aube), écrite par Assia Djebar. L'antre de Bachtarzi a abrité ensuite la représentation générale de Ventres pleins ventres creux, de l'auteur martiniquais Daniel Boukman. Produite par le TNA, mise en scène par Ahmed Khoudi (qui a également signé la scénographie) et traduite par Ahmed Boukras, la pièce relate l'histoire d'Hubert, un vieillard né sous une bonne étoile et qui s'apprête à fêter son 95e anniversaire. Son épouse et son valet Oscar s'affairent à lui préparer une fête d'anniversaire. Plusieurs notables de la ville viennent lui présenter leurs vœux et offrir leurs cadeaux. Ce sont les ventres pleins, les riches, les nantis, les notables, les gens heureux. Cependant, ils ne sont pas si heureux que ça puisque Hubert, et malgré toute sa fortune, n'est pas heureux dans la vie ; il est atteint de troubles du comportement et de paranoïa. Enfermé dans sa tour d'ivoire, Hubert broie du noir et se concentre sur les futilités de la vie. De l'autre côté, il y a les ventres creux qui interviennent toujours en chanson et en chœur. À leur première apparition, ils chantent : “Je suis monté au paradis, et le Bon Dieu m'a dit : je n'ai écrit nulle part que l'Homme était comme ça. Puis je suis redescendu sur terre et j'ai envoyé une bouteille à la mer : réveillez-vous ventres creux. Vous les pouilleux, démunis.” Cette chanson qui inscrit Ventres pleins ventres creux dans un théâtre populaire et orale également, plante réellement le décor, et installe le spectateur dans la pièce. Dans cette dernière, deux mondes aux antipodes l'un de l'autre, sont décrit : le monde des riches (ventres pleins) avec toutes ses contradictions ; et le monde des pauvres (ventres creux) avec toute la révolte qui habite ses protagonistes, ainsi que la misère qui les terrasse et la précarité qui les ravage. La pièce s'articule autour de situations ubuesques et grotesques, mais développe également des questions sérieuses et épineuses, citons entre autres la prostitution, la mendicité, la colonisation ou encore la société de consommation. Dans un décor classique, les personnages représentant les ventres pleins évoluent sur une estrade. La vision est grotesque ; toutefois, l'intervention des ventres creux est toujours en chanson, ce qui place les ventres pleins dans l'intrigue principale ou centrale, et les ventres creux sont là pour meubler la pièce avec leurs intermèdes musicaux. Le jeu des comédiens était très intéressant puisque pour une générale, ils ont été à la hauteur. Quant à la scénographie et bien que dépourvu de créativité, elle a collé à l'ensemble. Sara Kharfi