La mobilisation était au rendez-vous Ni le jeûne et encore moins la chaleur n'ont touché à la détermination de ces Algériennes et Algériens qui ne reculeront devant rien pour nettoyer le pays des résidus de l'ancien système. Magnifique! «Maranache talgine!» (On ne lâche rien, Ndlr). C'est avec cette phrase lourde de sens que des millions d'Algériens ont déferlé sur les rues du pays pour la 12e semaine consécutive afin de réclamer le départ du système dans son intégralité! Premier test «ramadhanesque» réussi donc pour le Hirak puisque les Algériennes et les Algériens de tous âges et catégorie sociales ont défié la chaleur et le jeûne pour entonner la 12ème symphonie de cette révolution pacifique. La désormais tradition du vendredi n'a pas ainsi déroger à la règle dans les quatre coins du pays, avec une mention spéciale pour Bordj Bou Arréridj surnommée capital du Hirak. La capitale du pays a elle aussi connu une mobilisation aussi impressionnante que les précédentes semaines, malgré la canicule, le Ramadhan et le blocage des routes! Dès les premières heures de la matinée, les premiers groupes des manifestants ont commencé à affluer vers l'esplanade de la Grande Poste et la place-Maurice Audin. Néanmoins, jusqu'à midi on ne comptait que quelques centaines de manifestants dont la détermination se faisait ressentir au son de leurs voix! Alger semblait donc difficilement rassembler les partisans du Hirak ce qui laissait alors croire à un début de démobilisation. Vers 13h, un incident a failli faire sortir le Hirak de son esprit «silmiya». La majorité des manifestants qui se trouvaient du côté de la Grande Poste s'est mise à courir derrière une femme pensant que c'était Naïma Salhi. Ils l'ont alors prise a parti. Cette femme qui n'était pas la politicienne honnie par les Algériens, s'est réfugiée dans une ambulance de la Protection civile pendant que les «sages» calmaient les manifestants leur expliquant qu'il y avait erreur sur la personne. Pendant que tous les regards étaient braqués sur le parc Sofia, où avait couru cette femme, la foule continuait d'affluer sur «El Bahdja». À peine le temps de se retourner que l'on remarque les artères d'Alger recouvertes de rouge, blanc et vert. À 14 h, après la prière du vendredi il n'y avait presque plus de places où marcher dans les ruelles principales du centre-ville. Cela n'a pas empêché les manifestants de battre le pavé pour sillonner les différentes artères de la capitale dans un climat serein et en présence d'un dispositif sécuritaire renforcé pour la circonstance. Drapés de l'emblème national et brandissant des banderoles hostiles au pouvoir, les citoyens ont tenu à donner une réponse claire et nette aux propositions de dialogue formulées par le président de l'Etat, Abdelkader Bensalah. «Il n'y a pas de dialogue avec toi, ni ton gouvernement et il n'y aura pas d'élection», criait la majorité des manifestants. Les fameuses «makache intikhabate ya el issaba» (pas d'élection jusqu'au départ des bandits, Ndlr) étaient donc de mise tout comme les slogans réclamant le départ de l'intérimaire d'El Mouradia, de son Premier ministre et son gouvernement. Les manifestants réclamaient aussi à ce que l'armée ne se mêle pas de la politique. «Djoumhouria madaniya, machi aâskariya» (une République civile pas militaire, Ndlr). Dans ce sens, les manifestants ont réclamé l'application le plus vite possible des articles 7 et 8 de la Constitution. «La souveraineté appartient exclusivement au peuple», insistaient-ils avant d'exprimer leur attachement à l'unité nationale. «Les Algériens khawa, khawa», fusaient de partout, surtout au moment où un groupe de jeunes a déchiré une pancarte d'une personne qui soutenait la tenue de l'élection présidentielle pour le 4 juillet prochain. La foule est intervenue pour éviter tout dérapage en faisant comprendre à ces jeunes que chacun était libre d'exprimer ses opinions et ses idées. Cette journée des plus festives s'est poursuivie par des débats de haut niveau entre marcheurs- jeûneurs. Il y a aussi eu les fameux gestes de solidarité avec des habitants des quartiers environnants qui ont sorti des tuyaux d'eau pour rafraîchir la foule qui suffoquait sous la chaleur. Les nettoyeurs ont aussi fait leur travail dès la fin de la manifestation avant de partager un f'tour collectif avec leurs camarades de la révolte pour en finir avec une «S'ahra» révolutionnaire... Les Algériens ne lâchent rien, même pendant un Ramadhan des plus... «chauds»