La répression des délits commis par les adolescents est loin d'être dérisoire. Avec l'apparition du fléau du terrorisme durant la décennie 90, l'Algérie a vécu l'une de ses plus sombres crises, au cours de laquelle elle a vu naître toutes formes de vice. De nombreux comportements déviants ont surgi en Kabylie, notamment au cours de ces quatre dernières années. Outre le manquement à la politesse et aux convenances jadis érigées en lois par les djemaâs, la conduite dangereuse, le suicide et la consommation de drogue, comportements fréquents chez les adolescents, il y a lieu de noter également la résurgence d'autres fléaux, nés dans le sillage de la décennie noire, condamnés par les normes sociales en vigueur reconnues par la loi, ici ou ailleurs. Il s'agit de la délinquance juvénile qui a recours à la violence sous toutes ses formes, y compris à l'homicide, et de la mendicité chez les enfants. Il faut bien constater que depuis le début de l'année 2005, la répression des délits commis par les adolescents est loin d'être dérisoire. Elle constitue plus de 25% des affaires traitées en correctionnelle par l'ensemble des tribunaux de la wilaya de Tizi Ouzou. En effet, il ne se passe pas une seule semaine sans que les magistrats instructeurs ne traduisent des jeunes de moins de 18 ans en correctionnelle. Ce fut le cas, avant-hier, lorsqu'un réseau de jeunes délinquants démantelé la semaine passée par la police judiciaire de la sûreté urbaine de la ville des Ouadhias, a été placé sous mandat de dépôt par le procureur près le tribunal de Draâ El Mizan. Il s'agit de jeunes adolescents à peine âgés de 16 ans. A la fin du procès, les parents on mal digéré la sentence et ont éprouvé de la peine à retenir leur amertume et leur colère. L'une des mères s'en est d'ailleurs violemment prise aux services de l'ordre. «Il n'a que 16 ans. Que voulez-vous qu'il apprenne en prison?», s'est-elle écrié en sanglots. Mais la décision du magistrat instructeur est restée ferme. «Nous n'allons pas laisser la violence hanter nos villages et nos villes». Pourtant, l'Etat algérien n'est pas animé de préjugés et considère la prise en charge de ces adolescents délinquants comme l'une de ses priorités au lieu de les soumettre à tout l'arsenal judiciaire en vigueur, mais force est de reconnaître que ces jeunes délinquants ne se contentent pas d'un seul délit. «La plupart d'entre eux récidivent au bout de quelques semaines seulement, en créant un véritable climat de psychose dans leur entourage», reconnaît, cependant, un officier de la police judiciaire de la ville de Draâ El Mizan. Ce qui est frappant chez ces jeunes délinquants, c'est le fait que la majorité d'entre eux provient de milieux aisés, à l'abri de la pauvreté. Selon des sources généralement bien informées, le nombre d'enfants (notamment les filles) mendiants, a également augmenté au cours de ces quatre dernières années. Malgré les lois de la République qui protègent l'enfant par une scolarisation obligatoire et l'interdiction du travail aux jeunes de moins de 16 ans, nombreux sont les parents qui poussent leurs enfants à la mendicité. Il s'agit de parents touchés par la compression des effectifs ou de ceux qui ont sombré dans l'alcoolisme et la prostitution. Les marchés des légumes et fruits dans les villes des Issers, Tizi Ghennif, Chaâbet El Ameur et Draâ El Mizan grouillent d'enfants mendiants. Ce sont les filles de moins de douze ans qui retiennent le plus l'attention et qui donnent, en racontant leur propre histoire, quelques pincements au coeur. «La mendicité est punie par la loi. Nous les avons ramassés et nous avons (ce qui n'est pas de notre mission), négocié leur scolarisation avec l'ensemble des chefs d'établissements scolaires de la région. Au bout de quelques semaines, ils ont tous déserté l'école pour replonger à nouveau dans la mendicité», a déclaré, en substance, le secrétaire général de la municipalité de Draâ El Mizan. Il reste à savoir maintenant jusqu'à quel point la loi est-elle en mesure d'aller pour protéger ces enfants contre la démission de leurs parents.