En attendant une issue négociée et consensuelle, les marches continuent Dans la posture qu'elle s'est donnée, l'institution militaire n'est pas, présentement un acteur politique actif, mais un garant de la stabilité institutionnelle. Le chef d'état-major de l'ANP a habitué les Algériens à des prises de parole publiques, les mardis. En sera-t-il de même aujourd'hui? La question mérite d'être posée, au vu de l'impasse qui caractérise la scène nationale, actuellement concernée par d'intenses tractations, aux fins de trouver une formule consensuelle de sortie de crise. Des sources proches de quelques formations politiques, très actives autour du mouvement populaire, ont annoncé à L'Expression, l'imminence d'une conférence nationale susceptible de confectionner une véritable offre de sortie de crise, alliant des aspects constitutionnels et d'autres politiques. On affirme de même source que l'on se dirige vers un plan qui satisfasse les partisans et les contradicteurs du choix constitutionnel prôné par l'institution militaire. Il faut dire qu'il est grand temps d'agir. Le dernier message de l'armée, transmis via l'éditorial de la revue El Djeich, illustre l'urgence de la situation. Le ton était ferme et la volonté de tenir son rôle constitutionnel, sans faillir, s'est exprimée de manière limpide. Au point d'ailleurs que certains acteurs politiques y ont vu une injonction à ne rien faire d'autre que de «se plier aux ordres». Pourtant, dans cet éditorial et dans d'autres occasions, l'ANP a explicitement appelé au dialogue entre ces acteurs et les institutions légitimes de l'Etat. Il se trouve que ces dernières sont présentement intérimaires, mais bel et bien constitutionnelles. Le souci de rester dans la légalité a guidé les choix de l'ANP depuis le début de la crise. Même l'association des articles 7 et 8 de la Constitution au 102, avait pour principal objectif d'affirmer l'impossibilité de sortir du cadre légal, au risque d'entraîner le pays dans le chaos. Cette position de l'institution militaire est régulièrement contredite par des voix qui affichent leur proximité au mouvement populaire. Elles développent un discours aux antipodes de la constitutionnalité chère à l'armée et poussent en direction d'une solution «ultra-politique», dont les contours demeurent très flous et ne convainquent personne dans les milieux politiques. Toute cette agitation appellera tôt ou tard, une mise au point finale de la part de l'armée. Chimère politicienne Il reste néanmoins quelques autres voix, dont le discours est on ne peut plus cohérent, à l'image de celui de l'ancien chef du gouvernement, Ali Benflis qui, dans une tribune publiée dans la pesse nationale, a estimé urgent de lancer un vrai dialogue national qui ne doit pas être «un impératif moral», seulement, ni «le moyen le moins coûteux de règlement de la crise» et encore moins «une fin en soi». Pour Benflis, «le dialogue dont le pays éprouve un besoin pressant. Face à un dialogue de cette nature porté par toutes les bonnes volontés, il n'y a ni mur infranchissable ni bastion imprenable ou inexpugnable». Plus proche de nous, hier, le leader du MSP met en évidence la nécessité du dialogue, mais demande à l'ANP d'y «mettre du sien», tout en souhaitant une «période de transition de six à neuf mois pour permettre de nommer un nouveau gouvernement de compétences et opérer des changements dans certaines lois afin d'assurer des élections transparentes». La différence entre l'approche constitutionnelle de l'ANP et celle plus politique des partis tient justement dans le personnel dédié pour la transition. L'armée ne veut pas de transition dans les termes formulés par les opposants politiques, pour la simple raison que le présidium et autre gouvernement d'entente nationale n'ont aucune légitimité constitutionnelle. Rôle de facilitateur En cela, il faut reconnaître à l'armée une «orthodoxie» qui sied parfaitement à son rôle. Il est impensable pour cette institution, de tourner le dos à la Constitution pour s'accrocher à une «chimère politicienne» qui n'apporte aucune garantie de stabilité. C'est sans doute pour cela et en l'absence d'une offre sérieuse que l'état-major de l'armée s'en tient à la solution de l'article 102 et encourage le dialogue avec la présidence de l'Etat pour assurer une présidentielle honnête et transparente. Il se trouve malheureusement que cette option est techniquement et politiquement irréalisable, or cela ne doit pas incomber à l'armée, mais à l'inconséquence d'une classe politique qui manque d'imagination. Au lieu de veiller à la légalité, des acteurs politiques de première et de seconde zone, ont tendance à charger l'institution militaire au lieu d'en faire un allié pour une sortie de crise. manquant visiblement d'imagination, ces politiciens vont au «plus pressé» et fragilisent par des propos quelque peu irresponsables, le lien qui lie le peuple à son armée. L'on a, à ce propos, entendu des «vertes et des pas mûres» de la part d'hommes et de femmes se disant proches du mouvement populaire, mais visiblement attachés plus à mettre l'ANP en minorité au sein de l'opinion nationale que de trouver une solution consensuelle à la crise. Il en est même, parmi ces personnages, qui avaient appelé l'armée à déposer le président Bouteflika, en 2014. Ecarter totalement cette institution de la République de l'équation présente relève d'une démarche incompréhensible, sachant l'histoire de l'ANP. Cela pour dire que le statut de facilitateur pour une transition sereine, dans un cadre stable et le plus proche possible de la légalité constitutionnelle, est le meilleur rôle que puisse camper l'ANP dans cette épreuve difficile que vit le pays. Cela pour dire que dans la posture qu'elle s'est donnée, l'institution militaire n'est pas, présentement un acteur politique actif, mais un garant de la stabilité institutionnelle. Ceux qui veulent l'entraîner sur le terrain de la politique, font prendre au pays le risque d'une dérive, dont on ne peut pas soupçonner la gravité. La conférence nationale pourrait être un début de solution à condition de proposer un plan sérieux qui tienne compte justement du rôle et des missions constitutionnelles de l'armée. En attendant une issue négociée et consensuelle, classe politique et institution militaire se regardent en chiens de faïence.