Il faut négocier. Et ce n'est pas trahir que d'admettre cette logique Que faire maintenant que l'échec de l'élection présidentielle est définitivement consommé? Situation inédite qui va rester dans les annales du droit constitutionnel. Une élection présidentielle que devait organiser un chef d'Etat intérimaire, mais qui sera probablement annulée, faute de candidats. Aucun candidat à l'élection présidentielle du 4 juillet prochain n'a officiellement déposé son dossier au Conseil constitutionnel, alors que le délai légal du dépôt a expiré hier à minuit. La spécialiste du droit constitutionnel, Fatiha Benabbou, explique que «sans candidats, l'élection présidentielle est reportée de facto, d'une manière automatique». Car, ajoute-t-elle, «ni le Conseil constitutionnel ni le chef d'Etat par intérim ne peuvent reporter l'élection. Le Conseil peut uniquement proclamer qu'il n'y a pas de candidats. D'où le report. Aucun texte n'a prévu cette situation». Si l'énorme mobilisation populaire rejetant cette élection n'a pas poussé le régime à renoncer publiquement à cette élection, il le fera cette fois-ci par un fait accompli car il serait suicidaire de nager continuellement à contre-courant. En moins de deux mois de règne, Abdelkader Bensalah a essuyé deux cuisants échecs. Le premier a été le 22 avril dernier, quand sa conférence de consultations pour la préparation et l'organisation de l'élection présidentielle du 4 juillet prochain a tourné au fiasco. Le second est son incapacité à accomplir sa principale mission dont le charge la Constitution, à savoir organiser dans les délais, le scrutin présidentiel. Même si elle est souhaitée par le peuple, la démission de Bensalah ne fera que compliquer la situation au plan constitutionnel. Certes, les Algériens ont tourné la page Bouteflika mais ils peinent à remplir la nouvelle, qui reste désespérément blanche. Le Hirak n'arrive toujours pas à secréter ses représentants et le fétiche slogan «Yetnahaw gaâ» est tout, sauf un programme de sortie de crise. Cette magnifique épopée, qui sera enseignée dans les manuels scolaires de nos petits-enfants, est toujours au bord de l'éclosion. Elle n'arrive pas à accoucher d'un projet à la hauteur de la résolution populaire. En 12 semaines de manifestations pacifiques, il s'est installé entre l'institution militaire et le mouvement populaire, une sibylline logique de débats-réponses. Le chef d'état-major prononce un discours, livre un message le mardi et, le vendredi d'après, le Hirak réagit en conséquence. Mais cette situation est intenable dans le tumulte d'une révolution avide de sacrifices. Nous voilà donc au milieu du gué: un pouvoir aux abois sans solution de rechange, un mouvement populaire plus que jamais fort, mais sans structure ni représentants et une opposition faible. Entre-temps, nous assistons, désarmés, face à l'écroulement des institutions politiques du pays dont il ne subsiste qu'un gouvernement impuissant, avec un Premier ministre transparent et un intérimaire de la Présidence qui semble agir à son corps défendant. Que faire maintenant? Il reste le dialogue, rien que le dialogue qu'il convient d'ouvrir sans délais pour dégager une solution politique consensuelle, ce qui évitera au pays un triple vide: constitutionnel, politique et institutionnel. Un scénario qui peut intervenir au terme du mandat constitutionnel de la présidence de l'Etat et les conséquences risquent d'être imprévisibles. Sauf à vouloir aller au pire, il faut négocier. Et ce n'est pas trahir que d'admettre cette logique qui finit par prévaloir dans tous les conflits. Pour ce faire, c'est au Hirak de désigner des représentants parmi des hommes politiques, les syndicats et la société civile. C'est à eux de prendre langue avec les institutions légales de l'Etat. Ce qui sera issu de ces négociations commission indépendante présidium ou toute autre structure. Elle sera totalement libre et indépendance. L'institution militaire assurera le rôle d'arbitre impartial des travaux et garante des résolutions, tout en restant dans le cadre constitutionnel revendiqué par l'armée. En effet, les articles 7 et 8 peuvent constituer la base légale qui conférera à la commission du peuple toutes les prérogatives pour entrevoir une issue consensuelle.