Le groupe parlementaire du mouvement El Islah (aile dissidente) a organisé mercredi à l'APN une conférence de sensibilisation sur les conséquences de la loi du 23 février 2005. Les initiateurs du projet de loi de «Criminalisation du colonialisme français» ont invité des personnalités historiques comme Ahmed Mahsas, Lakhdar Bouregaâ, Abderrahmane Chibane, Abderrahmane Djillali, des représentants de partis et d'associations pour donner un caractère solennel à la rencontre. Les intervenants ont unanimement condamné la loi française du 23 février et mis en exergue les désastres commis par le colonialisme pendant les 132 années d'occupation du sol algérien. Comme ils ont posé un préalable au traité d'amitié que comptent sceller les deux pays dans un futur proche. Ahmed Mahsas a relevé qu'il n'est pas question «de signer le traité d'amitié» sans poser de conditions parce que si nous avons pardonné cela ne veut pas dire que nous avons oublié. Il constate que «58 % des Français reconnaissent qu'ils sont racistes», lors d'un sondage effectué récemment alors que les moudjahidine ont tourné la page. Il s'interroge sur le pourquoi de cette loi qui vient confirmer, encore une fois, que la France ne peut pas tourner la page alors qu'elle a d'énormes intérêts à préserver. «L'Algérie est le principal client de la France. Il n'y a qu'à voir la balance commerciale entre les deux pays. Elle est très éloquente.» Djahid Younsi, secrétaire général du mouvement El Islah (aile dissidente), estime que la France agit «comme un parrain» sur la scène internationale. Elle veut garder la tutelle sur l'Algérie, souligne -t-il. «Le traité d'amitié n'aura lieu qu'après la reconnaissance des crimes commis, les excuses officielles et les indemnisations matérielles et morales», ajoute-t-il. «Pourquoi la France a-t-elle exigé de l'Allemagne des excuses en 1963 comme préalable au traité d'amitié? Pourquoi a-t-elle brandi le veto contre la Turquie en conditionnant son adhésion à l'UE à la reconnaissance des crimes commis contre les Arméniens?» Pour l'orateur d'El Islah, la loi a été «mûrement méditée». Il rappelle que Douste Blazy, «qui n'est pas d'origine française, avait proposé en 2003 un projet similaire. Il est aujourd'hui ministre des Affaires étrangères. En 1996, Chirac avait soulevé le rôle positif de la France en Algérie (...) Il ne faut pas se leurrer, il n'y a pas de conflit droite-gauche sur ce sujet. La loi avait recueilli l'unanimité quand elle avait été votée. Et le président Chirac pouvait user de son droit constitutionnel. Il ne l'a pas fait». Enfin, tous les orateurs s'accordent à classer le colonialisme français dans la catégorie des «crimes contre l'Humanité». Mais que proposent-ils en retour? Les initiateurs ont proposé un projet de loi sous le titre «Criminalisation du colonialisme français», constitué de 27 articles, répartis en 7 chapitres: classification de l'ennemi, délimitation des crimes, la reconnaissance, les excuses, les indemnisations, la restitution de la mémoire collective et la conclusion. Dans la conclusion, le texte souligne: «L'Etat algérien s'engage à ne signer aucun traité ou accord d'amitié avec l'Etat français qu'après avoir réuni les conditions énumérées dans les articles du texte de cette loi.» En parallèle, le groupe du mouvement El Islah a lancé une campagne de sensibilisation pour recueillir 1,5 million de signatures qui équivaut le nombre de martyrs de la guerre de Libération. Rappelons que les groupes parlementaires de l'Alliance présidentielle ont jugé inutile ce projet de loi qui n'a pas de sens à leurs yeux. Ils n'ont pas délégué leurs représentants pour la rencontre d'hier. Mais ils posent, eux aussi, des conditions au traité d'amitié. Le président de l'APN devait participer aux débats mais il s'est absenté en raison des funérailles du député Akhamokh, le représentant des Touareg au Parlement. Le groupe parlementaire d'El Islah attend la programmation du projet pour engager le débat.