Cruel destin pour un homme épris de liberté «La mort du Dr Fekhar a été programmée et exécutée sans scrupules. J'ai tiré la sonnette d'alarme, trois semaines avant sa mort, mais rien n'a été fait.» Ils étaient nombreux à accompagner, hier, samedi après-midi le docteur et militant des droits de l'homme Kamel-Eddine Fekhar, vers sa dernière demeure, au carré des ibadites du cimetière El Alia. Une foule composée essentiellement de la communauté, kabyle et mozabite, à laquelle se sont jointes plusieurs personnalités, à l'image, du président du RCD Mohcen Belabbas et la direction de son parti, son avocat, Salah Dabouz, l'avocat Mostefa Bouchachi, Karim Tabbou, Mokrane Aït Larbi, Ali Laskri, le représentant de l'instance présidentielle du FFS. Il faut dire qu'un sentiment d'indignation et de révolte, planait fortement sur les lieux, où des citoyens, venus rendre un dernier hommage au militant de la diversité, n'ont pas manqué de témoigner leur colère, en brandissant des slogans contre le laxisme et le silence du pouvoir, devant l'état de santé de feu Kamel- Eddine Fekhar., avant sa mort, et durant la grève de la faim qu'il avait entamée depuis plus de 50 jours. A ce sujet son avocat, Me Dabouz, a déclaré en marge de la cérémonie, «la mort du docteur Fekhar a été programmée, et exécuté sans scrupules. J'ai tiré la sonnette d'alarme, trois semaines avant sa mort, mais rien n'a été fait. C'est un crime organisé par l'Etat algérien, car on ne peut parler de négligence médicale, quand le médecin vous interdit de parler et de vous plaindre, ce qui est arrivé à Fekhar, c'est de la non-assistance à une personne en danger. Et ce en plus du fait, que le procureur général qui avait ordonné l'arrestation de Fekhar, n'avait, même pas eu connaissance de son dossier, qui ne contenait aucun délit grave», et d'ajouter «je déplore des assassinats programmés au sein des institutions de l'Etat, exécutés par des fonctionnaires de l'Etat, prétextant des lois de la République. Car dans cette affaire, les orientations politique étaient claires, l'objectif était de faire porter les évènements qui ont marqué la région de Ghardaïa aux activistes des droits de l'homme». Pour sa part, l'avocat et militant des droits de l'homme, présent sur les lieux, Mokrane Aït Larbi, explique que «Kamel-Eddine Fekhar a été arrêté pour des raisons politiques, et pour ses opinions. Il a fait des publications et des déclarations sur ce qui se passe à Ghardaïa. Il a dénoncé l'injustice, c'est pour cela qu'il a été incarcéré. L'Etat a fait la sourde oreille, et n'a pas fait cas de son état de santé, c'est ce qui a causé sa mort. Nous appelons à l'ouverture d'une enquête neutre, sans parler de celle du ministère de la Justice, qui serait menée par la Ligue des droits de l'homme, la société civile. Par ailleurs, tous les responsables de sa mort, doivent être poursuivis, je parle de l'administration de la prison et de l'hôpital. Le pouvoir est responsable du décès de Kamel-Eddine Fekhar»... Venus également rendre un dernier hommage, à Kamel-Eddine Fekhar, les militants étaient présents, Djelloul Djoudi nous livre son point de vue: «On condamne fermement toute atteinte à la liberté d'expression. On a toujours été contre l'incarcération de Fekhar et de tous les détenus politiques, pour preuve nous sommes ici pour dénoncer ce qui s'est passé, au moment où Mme Hanoune a été incarcérée justement pour ses idées. C'est grave de réprimer cette liberté d'opinion.» Kamel-Eddine Fekhar est mort mardi 28 mai à l'hôpital Frantz Fanon de Blida où il a été transféré en urgence la veille depuis Ghardaïa. il avait été arrêté le 31 mars et placé en détention le 3 avril à la prison de Ghardaïa. Il a, par la suite, enclenché une grève de la faim pour contester son incarcération sans un véritable procès. Il était président de la section de La Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh) à Ghardaïa, et fervent défenseur de la langue amazighe, il s'était lancé dans une lutte interminable contre la discrimination constatée contre les Mozabites. «Le traitement discriminatoire des pouvoirs publics et de la justice envers les Mozabites en citant le cas d'un Mozabite placé sous contrôle judiciaire, alors qu'il était en prison le jour des faits», c'est ce qu'il a déclaré dans une interview accordée à la radio algérienne, le 25 mars dernier. Une ultime intervention, qui va le conduire à nouveau, à la prison de Ghardaïa le 3 avril, où il entame aussitôt une grève de la faim. Par ailleurs, la mort du militant pour les droits de l'homme, et pour la diversité de l'Algérie, a fortement suscité l'attention du Hirak, les partis politiques, et les différentes associations où des millions d'Algériens et d'Algériennes, indignés, ont rendu un fervent hommage à feu docteur Fekhar, en observant une minute de silence.