Le visage souriant, arborant une bonne mine, le président paraissait très en forme et ne présentait aucun signe de fatigue. «Excusez-moi mais je dois voir le président, je n'ai pas fait le déplacement pour rien», s'écrie cette quadragénaire, originaire de la ville de Medéa, au milieu d'une foule qui a pris place derrière les barrières de sécurité, placées non loin du salon d'honneur de l'aéroport Houari-Boumediene. Fatima gagne quelques centimètres, avant d'être rabrouée par des jeunes. «De là, je ne vois absolument rien», insiste-t-elle. Mais cette dernière a largement le temps avant de se frayer un chemin parmi les premiers rangs. Il est 8h 30. L'avion présidentiel n'a même pas décollé de l'aéroport parisien. Les rumeurs courent ici sur un éventuel report des vols, pour les deux lignes nationales et internationales. «Les avions sont cloués au sol. Alger est coupée du monde», nous informe ce ressortissant français. C'est la panique au sein des voyageurs et des citoyens venus accueillir les proches et les pèlerins. Mais, sur place, les tableaux affichent déjà l'arrivée du vol provenant de Djeddah. Aucun retard n'est annoncé pour les autres destinations. «Celui de Roissy atterrira à 9h 45». Par ailleurs, aucune heure précise sur l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika. Peu importe, «nous l'attendrons, s'il le faut, toute la journée», assure Karim, qui vient de Sétif. Tout le monde est mobilisé pour accueillir, comme il se doit, le chef de l'Etat, après un mois d'absence. Un important cordon de sécurité a été placé dès vendredi soir au niveau de la capitale. Des bus ont été mis à la disposition des Algérois désireux d'assister au bain de foule. L'on peut apercevoir d'autres bus venant de Jijel, Sétif, Aïn Defla, Bordj Bou Arréridj, M'sila, Laghouat, Medéa, Bouira, au niveau de l'autoroute. «Bouteflika est le président de tous les Algériens, il est normal donc que je vienne à Alger pour exprimer ma joie de le voir enfin parmi nous», affirme ce quinquagénaire de Blida. Amine a fait le déplacement d'Aïn Defla, où un richissime homme d'affaires a mis à la disposition des comités de soutien du président des bus pour la circonstance. La même joie est ostensiblement affichée par les partis de l'Alliance. Ces derniers ont décidé de mettre leurs divergences à part, le temps d'un accueil officiel. «Les partis de l'Alliance souhaitent bon rétablissement au président», peut-on lire sur les affiches collées au niveau de l'aéroport. L'Oaic, les douars de Takslent, de Djaâfra, la Safex, Saidal, ont tous marqué leur présence. Le baroud et la zorna apportent une ambiance de fête à cette dernière journée de l'année 2005. 10h 35. La garde républicaine se dirige vers la piste de l'aéroport Houari-Boumediene. Seuls les photographes et les caméramans sont autorisés à y accéder. «Le président sera à Alger logiquement dans 30 minutes», estime un confrère, «moi, je pense que l'avion vient de décoller de Paris», répond un autre. Le temps est très clément en cette journée hivernale, le mercure affiche 19 degrés. Les nuages se sont dissipés, laissant place à un soleil de plomb. «Même le temps s'est mis de la partie pour réussir cet accueil», ironise-ton. 11h 25. L'avion présidentiel atterrit sur le tarmac de l'aéroport. Tout le monde s'impatiente de voir le président de la République, opéré «d'un ulcère hémorragique» le 6 novembre dernier à l'hôpital du Val-de-Grâce. La radio nationale qui annonce son retour diffuse la chanson célèbre d'El Hachemi Guerrouabi «Allo, Allo». El Bahdja quant à elle, opte pour la chanson de Houari dauphin, Ya Babor Kherdjeni men la misère. Bouteflika descend les marches de l'avion. Il est accueilli par MM.Abdelkader Bensalah, Amar Saâdani, Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem, Mohamed Bedjaoui, Abdelmalek Guenaïzia, sans oublier M.Yazid Zerhouni, qui marque ainsi son retour après trois mois d'absence. Avant de quitter l'aéroport, Bouteflika s'arrête pour embrasser l'emblème national, porté par un garde républicain. Bouteflika va-t-il descendre de sa Mercedes pour saluer la foule? Son état de santé lui permet-il de marcher des kilomètres? Des questions qui intriguaient les journalistes, pointés au niveau de Belcourt, le premier point inscrit dans le programme officiel. Le secrétariat national de l'Ugta, à sa tête M.Djenouhat, ainsi que des représentants de l'assemblée locale sont venus saluer le chef de l'Etat. 12h 23. C'est le moment de vérité pour certains, le cortège présidentiel s'arrête au niveau du garage de la Sntr. Bouteflika lève le suspense et décide de parcourir l'artère reliant Belcourt à la place du 1er-Mai à pied. Le visage souriant, arborant bonne mine, le président paraissait très en forme, ne présentant aucun signe de fatigue. «C'est à croire qu'il n'a pas subi d'intervention», s'exclame une vieille dame. «Bouteflika yahia», clamait la foule. Le président part saluer les citoyens, bousculant ainsi, à plusieurs reprises, les services de sécurité. Au niveau de la nouvelle station de bus de la place du 1er-Mai, le médecin personnel de Bouteflika lui conseille d'un geste de la main de monter dans la voiture, le président refuse et continue sa marche, avant de regagner sa voiture. Le cortège, qui traverse la rue Ali-Mellah, s'arrête dans la deuxième escale, Addis Abeba. La même ambiance de fête est réservée à Abdelaziz Bouteflika. Le baroud résonne pour souhaiter un «bon rétablissement» au président. Celui-ci reprend la marche à pied pour être de nouveau au contact de la foule. Après une brève escale, la délégation officielle s'est dirigée vers le siège de la présidence. 13h 16. Le président de la République signe la loi de finances. Et met fin à la polémique qui a alimenté la presse nationale pendant des semaines. «Kountou khaifine (vous pensiez que je n'allais pas la signer», s'adresse-t-il au staff du gouvernement. 13h 30. Bouteflika quitte la présidence. Quand sera-t-il de retour? Une question qui reste en suspens.