Fin de la trêve avec Israël, enlèvements, insubordinations et confusions ont dominé le long week-end de fin d'année à Ghaza. Plusieurs organisations palestiniennes -dont le Hamas et les Brigades des Martyrs d'Al Aqsa- proches du Fatah du président Abbas-, ont confirmé pour les uns, annoncé pour les autres, la fin de la trêve -conclue à la fin de 2004 sous l'égide de l'Egypte et confirmée en janvier et mars 2005 par l'accord conclu entre le président Mahmoud Abbas et les groupes de résistance palestiniens. Dans le même temps, une série d'enlèvements d'étrangers à Ghaza -dont celui hier, d'un pacifiste italien- au moment où l'anarchie sécuritaire qui règne sur la bande de Ghaza aggrave le chaos ambiant mettant en exergue l'impuissance de l'Autorité palestinienne à reprendre les choses en main. Dans cette situation anarchique, force semble revenir à ceux qui détiennent les armes ou ne reconnaissent d'autre autorité que celle de leurs armes, comme l'a fait vendredi un clan familial qui attaqua un commissariat de police pour libérer un des siens arrêté pour trafic de drogue et vols de voitures. Un policier est tué lors de l'affrontement. En signe de protestation, une centaine de ses collègues ont bloqué le terminal de Rafah -frontalier avec l'Egypte- poumon de la bande de Ghaza et seule porte vers l'étranger pour les Palestiniens. Samedi, ce sont des membres des Brigades des Martyrs d'Al Aqsa qui ont occupé, brièvement, trois bâtiments officiels de l'Autorité palestinienne à Deir El Balah (centre de Ghaza), selon des sources sécuritaires palestiniennes, pour réclamer des emplois dans les forces de sécurité palestiniennes. Dans cette avalanche de calamités qui ont marqué le long week-end de fin d'année dans les territoires palestiniens, ressort la libération samedi des trois travailleurs humanitaires britanniques kidnappés quelques jours plus tôt dans la bande de Ghaza. Les étrangers, généralement des travailleurs humanitaires au sein des ONG activant dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie, sont devenus ces derniers temps les cibles de groupes ou bandes armés. Tentant de calmer la situation, le président Abbas a, dans un discours radio-télévisé, tenté d'attirer l'attention sur les dangers qui menacent les territoires si la situation d'anarchie sécuritaire persiste indiquant: «l'Autorité palestinienne estime que le chaos sécuritaire et les violations de la loi constituent un danger menaçant nos aspirations nationales (...) Ils compromettent notre crédibilité internationale et servent Israël en lui donnant un prétexte pour faire obstacle à la paix et ne pas se retirer » de la Cisjordanie. Cet appel à la retenue n'a pas été entendu car, ponctuant la fin de la trêve annoncée, une série de tirs de roquettes Qassam ont visé hier, des sites israéliens, notamment la ville de Sredot sans faire toutefois de victimes. Le Hamas avait été le premier à annoncer au début du mois de décembre qu'il ne reconduirait pas l'accord de cessez-le-feu conclu en mars dernier avec Abou Mazen (Mahmoud Abbas). S'adressant à ses militants à l'occasion du 18e anniversaire de la création du Hamas, le premier responsable du mouvement islamiste palestinien, Khaled Machaâl, indiqua: «Personne au monde ne pourra nous priver de nos armes et de notre droit à la résistance. Celle-ci est un choix stratégique auquel nous tenons jusqu'à la libération complète de la Palestine et le retour de tous les réfugiés.» Et le chef du Hamas d'affirmer: «Nous participerons aux législatives (du 25 janvier) et nous entrerons sur la scène politique sans transiger sur nos droits», c'est-à-dire participer à la vie politique sans renoncer à la résistance armée contre l'occupation israélienne. De leur côté, indiquant pourquoi elles reprennent le combat, les Brigades des Martyrs d'Al Aqsa expliquent dans un communiqué que la situation (créée par Israël) «a saboté toute opération de trêve sur la scène palestinienne» soulignant «nous estimons que l'ennemi sioniste (...) est entièrement responsable de la récente escalade contre notre peuple dans le nord de la bande de Ghaza et en Cisjordanie, ainsi que des massacres dont est victime le peuple palestinien sur tout le territoire». Les Brigades appellent par ailleurs «toutes les factions nationales et islamiques à resserrer les rangs et à faire preuve de responsabilité». Un autre groupe de résistance palestinien, les Comités de résistance populaire, a déclaré dans un communiqué: «Nous confirmons que nous allons combattre l'ennemi partout et que nous conserverons le contrôle du nord de la bande de Ghaza pour le peuple. L'ennemi payera le prix de sa décision stupide (...). Nos combattants vont ouvrir les portes de l'enfer aux sionistes.» Il en est de même pour le Jihad islamique qui a également confirmé que la trêve est finie. Mais tous les groupes palestiniens estimaient, unanimes, que la création par Israël d'un no man's land dans le nord de la bande de Ghaza, évacuée en septembre dernier après 38 ans d'occupation, annulait tout ce qui a pu être fait jusqu'ici, la situation étant ainsi revenue à son statut antérieur du fait même qu'Israël continuait à contrôler la bande de Ghaza après qu'il se soit retiré. En fait, Israël a tout fait ces dernières années pour que l'Autorité palestinienne n'ait pas les moyens de s'imposer en gouvernement autonome et responsable capable de contrôler les groupes armés -notamment en l'empêchant de se doter d'une véritable force de sécurité raisonnablement armée- comme d'avoir les capacités d'amener Israël à tenir compte des vues du peuple palestinien. Or, l'axiome affirme que la paix se fait et se signe entre ceux qui se battent, ce qu'a toujours nié Israël qui cherche en revanche à dicter au peuple palestinien sa propre conception de la paix: la «paix israélienne». Le résultat? en 2006 le conflit israélo-palestinien entre dans sa soixantième année.