Par Arezki Zerrouki L'explosion démographique et le développement industriel ont accru de manière considérable la demande en matière de ressources minérale et énergétique qui a eu comme conséquences : - L'épuisement intensif des réserves mondiales, - La dégradation environnementale : faites de pollutions (eau, air, sols), déchets, - Les perturbations et changements climatiques…, - Les tensions économiques et risques de conflits majeurs autour de l'accès aux ressources naturelles, - Etc. Jusqu'au début des années 1980, le développement industriel a intégré seulement 10 éléments chimiques du tableau périodique, en 1990 il y en a eu 20 et depuis le début du XXIe siècle plus de 60 sont en usage. Ces processus de consommations quasi exponentielles, ont impact l'extraction, toujours plus importante, des ressources naturelles qui sont, par ailleurs, non renouvelables. La consommation de substances minérales est liée au niveau de développement. Aux premiers stades de développement d'un pays, il est fait appel aux métaux ferreux et aux ferro-alliages pour faire face aux défis des infrastructures de base, de l'urbanisme et la construction de grandes usines. Les pays développés, en l'occurrence la Triade formée par l'Union européenne, les Etats-Unis et le Japon, font appel aux métaux «High Tech» : lithium, cobalt, indium, gallium, germanium, tantale, terres rares (15 éléments), titane, magnésium, etc. Ces éléments, à grande valeur ajoutée, procurent des revenus très importants pour les Etats et les entreprises. la production minière L'exploitation des ressources minérales procure des revenus importants aux pays. Elle est un facteur de richesse et de stabilité sociale vu le nombre important de postes d'emploi créés de façon directe et indirecte dans la chaîne de valeur. Le marché de la transformation rapporte beaucoup plus que la production minière. A titre d'exemple la production mondiale de diamant en 2018, a procuré des revenus de 15.7 milliards de dollars alors que le marché de la transformation (joaillerie) a rapporté plus de 200 milliards de dollars. La chaîne de valeur post-mine est très importante. Durant l'année 2003, le coût de la totalité de la production minière dans le monde était de plus de 800 milliards de dollars, soit 8 fois la production du début du xxe siècle. Cette production est généralement faite par de grosses entreprises (environ 150) dites «Majors» qui se partagent 80% de la production mondiale dont 35% par les 10 premières grosses entreprises. Le caractère non renouvelable des ressources minérales fait que le processus et l'effort de recherche minière doit être intensif et réfléchi pour assurer la reconstitution des réserves des gisements existants et la découverte de nouveaux gisements. Les travaux d'exploration qui permettent d'étudier les cibles pour mieux les connaître ou pour les faire aboutir au stade de développement sont généralement réalisés par des entreprises Juniors cotées en Bourse, mais qui ne disposent pas de capitaux importants. Celles-ci font souvent appel à la capitalisation boursière par la vente d'actions de leurs entreprises ou des permis dont elles détiennent les droits. Les Etats et les institutions publiques ne contrôlent qu'une partie des productions minières (2009) : 17.6% de l'or, 21.5% du nickel et 50% de l'aluminium, charbon et étain. Ces Etats des pays ne reçoivent que 3% de royalties versés, ce qui est insignifiant par rapport aux hydrocarbures (jusqu'à 40%). Les besoins croissants des économies mondiales ont induit des bouleversements sociaux, climatiques et environnementaux (non remise en état des mines épuisées et catastrophes écologiques par utilisation du cyanure et mercure (?) qui portent un sérieux préjudice à notre planète Terre). Dans bien des cas, il y a naissance de conflits lors des exploitations, non contrôlées par les Etats. Bien des pays émergents optent pour la maîtrise de leur développement par la protection et l'utilisation rationnelle de leurs ressources et compétences : C'est le principe de nationalisme des ressources qui correspond à la volonté des populations de toucher plus de bénéfices et pour les Etats d'avoir un meilleur contrôle et plus de revenus étant donné que ce sont des entreprises et consortiums privés qui contrôlent la majorité des ressources, sans compter les secteurs de l'informel et le grand banditisme qui procèdent au pillage des ressources minières des pays sous-développés ou en développement, en dehors de tout cadre législatif et légal. Selon un rapport publié en juin 2019, l'Afrique du Sud a estimé à un milliard de dollars les pertes par exploitation et commerce illicite de l'or dans ce pays. Les grands gisements Pour faire face au diktat imposé par les entreprises monopolistiques internationales, qui détiennent parfois toute la chaîne, allant jusqu'à la commercialisation, beaucoup de pays développés ont introduit la notion de minéraux stratégiques/ critiques (L'Europe en a défini 25, selon un rapport présenté à Bruxelles en septembre 2017) afin justement de faire face à ces situations de monopole et aussi d'indépendance de leurs industries high-tech européennes. Le cas des Terres rares (TR) est assez révélateur. Depuis quelques années, la quasi-totalité de ces TR est produite par la Chine qui tente de les faire valoir auprès du Japon moyennant certaines questions géopolitiques et bien d'autres pays qui se sont lancés dans les high-techs. Cette situation monopolistique est inquiétante pour beaucoup de pays. Ce monopole a retenti dans certains autres pays comme les USA qui ont réouvert la mine de terres rares de Mountain Pass, fermée depuis 2004-2005. Aussi, conscient de la menace, le département américain à la Défense a recommandé (in le Journal d'Ecofin.- juin2019) «de trouver au plus vite de nouvelles sources d'approvisionnement (autres que chinoise : NDA). Dans cette course aux terres rares «non chinoise?», l'Afrique apparaît comme une zone potentiellement stratégique. Les grands gisements se réduisent de façon drastique, mais le développement de nouvelles technologies permet d'extraire de gros tonnages avec des teneurs réduites, de plus en plus, d'où l'augmentation des coûts d'extraction. Pour parer à ces situations et assurer aux pays une autonomie et un développement respectueux de l'environnement et qui assure des recettes importantes à l'Etat, les géoscientifiques se doivent de répondre aux défis de l'approvisionnement en matériaux industriels et en énergie pour : - Assurer les besoins futurs de l'industrie extractive dans le respect de l'environnement ; - Optimiser la production des gisements existants ; - Développer l'exploration et la prospection de nouveaux gisements ; - Concevoir et développer des processus d'extraction, de traitement et d'exploitation respectueux de l'environnement ; - Acquérir et développer des connaissances nouvelles pour de nouvelles applications environnementales (séquestration des gaz à effet de serre, effluents industriels, etc.) ; - Utilisation de nouvelles méthodes d'exploration pour la recherche de minéraux à haute valeur ajoutée utilisés de plus en plus dans les industries d'avenir et de haute technologie. La prise de conscience par les Etats africains, de plus en plus accrue, a permis de mettre en place plusieurs mécanismes de régulation, de contrôle et de gouvernance des exploitations minières : - Processus de Kimberley au sujet de la transparence dans la commercialisation du diamant (discussion 2000, Traité de 2003, Résolution n°55/56 ONU (décembre 2010) ratifiée par beaucoup de pays ; - itie : initiative pour la transparence des industries extractives, 2002) ; - La Vision minière de l'Afrique, adoptée par les chefs d'Etat et de gouvernement de pays d'Afrique en février 2009. Elle constitue la réponse au paradoxe de vivre dans un continent où se côtoient d'immenses richesses en ressources naturelles, une pauvreté envahissante et de grandes disparités ; - etc. En Algérie la loi 14-05 du 24 février 2013 a introduit la notion de substances ou gîte/gisement stratégique (article 10) sans en donner la définition et sans définir la liste par voie réglementaire, telle que préconisée dans la loi. La réforme du cadre juridique, le développement de nouveaux gisements et l'accentuation de la recherche minière sur des bases scientifiques (nouvelles techniques d'exploration et d'analyses de laboratoires adéquates, personnels compétents) enrichira à coup sûr le domaine minier. Les synergies intersectorielles pour formation (universités- institutions spécialisées et entreprises) sont sine qua non indispensables pour faire évoluer le secteur des mines. Aucun développement ne se fera sans une corporation d'ingénieurs bien formés aux nouvelles techniques et technologies. La prise en charge Le lancement d'exploitations minières d'envergure (or, plomb-zinc, phosphates, etc.) permettra de : - Faire face à la crise «passagère» que traverse notre pays, - Réduire la pression sur les services de sécurité qui arrêtent régulièrement des bandits qui opèrent sur les vastes terrains du Sud ; - Créer des emplois et des chaînes de valeurs de transformation qui réduisent les factures d'importation. La prise en charge des volets exploration, développement, exploitation, traitement et transformation permettra au pays de juguler la situation où les hydrocarbures sont la seule source de devises pour le pays, actuellement quasi mono-exportateur. La diversification de l'économie nationale étant un objectif majeur, les ressources minérales peuvent servir de carburant au développement économique et comme catalyseur à une croissance multisectorielle inclusive. La nature géologique des formations géologiques de certaines régions du pays suggère la relance de l'exploration pour la recherche de métaux-minéraux à haute valeur ajoutée (minéraux stratégiques/critiques) capables de générer un potentiel de développement dédié aux hautes technologies.