Il a été jusqu'à inventer une pension mensuelle que toucheraient ces mères célibataires. Elu sur la base d'un programme en adéquation avec la Constitution de 1996 et en vertu de la loi sur les partis politiques, adoptée en 1997, un député MSP a cru bon de fouler aux pieds un principe constitutionnel, en instrumentalisant le sentiment religieux des Algériens. Et pour cause, profitant d'une question orale adressée au ministre de l'Emploi et de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, le député en question s'est attaqué aux femmes célibataires en préconisant «la flagellation» pour punir le «délit de rapport sexuel extra-conjugal». Ironisant sur l'impossibilité, «pour l'instant», de revendiquer ce genre de punition, sinon, «on se retrouverait à Guantanamo», cet élu du peuple affiche indirectement ses convictions d'islamiste radical qui ne reconnaît que la charîa comme seule inspiration juridique. L'intervenant, avant-hier à l'APN, a jeté à la vindicte populaire des milliers de jeunes filles algériennes en recommandant une punition qui n'est prévue dans aucun code algérien. Il a été jusqu'à inventer une pension mensuelle que toucheraient ces mères célibataires. De tels propos proférés par un simple citoyen, voire un imam, n'auraient aucune conséquence. Il se trouve cependant que c'est un élu de la République, dont le parti est de surcroît membre de l'Alliance présidentielle qui a jeté ce pavé dans la mare. Il n'a fait, ni plus ni moins, qu'enfreindre les lois de la République, notamment la Constitution qui, dans son article 42, stipule que «le droit de créer des partis politiques est reconnu et garanti. Ce droit ne peut toutefois être invoqué pour attenter aux libertés fondamentales, aux valeurs et aux composantes fondamentales de l´identité nationale, à l´unité nationale, à la sécurité et à l´intégrité du territoire national, à l´indépendance du pays et à la souveraineté du peuple ainsi qu´au caractère démocratique et républicain de l´Etat. Dans le respect des dispositions de la présente Constitution, les partis politiques ne peuvent être fondés sur une base religieuse, linguistique, raciale, de sexe, corporatiste ou régionale. Les partis politiques ne peuvent recourir à la propagande partisane portant sur les éléments mentionnés à l´alinéa précédent.» Dite en direct à la télévision nationale, la phrase du député prend, de fait, une ampleur nationale et devra susciter, en principe, les foudres de tous les partis politiques. En se présentant aux élections législatives, ces derniers ont adhéré à l'esprit de la Constitution de 1996 et à la loi sur les partis politiques, votée par cette même Assemblée populaire nationale. Or, au lendemain de cette grave déclaration, l'on n'enregistre aucune réaction, comme si le statut de député de la nation accorde une immunité à toute épreuve, quels qu'en soient les dérapages. Du côté du Msp, c'est le silence radio, les cadres de ce parti renvoient l'élu à sa conscience, en affirmant qu'il a exprimé une opinion personnelle. De ce fait, il n'est vraisemblablement pas question d'une quelconque action pour remettre les choses à leur place. Les autres partis représentés à l'APN ont une attitude à peu près similaire et semblent ne pas accorder à la question l'importance qu'elle mérite. Une absence de réaction qui renseigne sur le peu d'empressement de la classe politique nationale à faire respecter les lois de la République au pied de la lettre. Ainsi, et le député du MSP a ouvert la voie, il est désormais permis de distiller le venin de l'intolérance et de l'extrémisme via la télévision nationale sans que personne ne s'en offusque. Soulignons enfin, que le discours du député est en totale contradiction avec les actions de l'Etat sur la question des mères célibataires. En effet, Djamel Ould Abbès a, dans sa réponse au député, mis l'accent sur l'importance d'une prise en charge de cette catégorie de la société qui «restent des Algériennes à part entière». Il a révélé que quelque 1200 enfants «illégitimes» naissent chaque année en Algérie. Le ministre a également annoncé que la moyenne d´âge des mères célibataires est de 18 ans. Elles sont accueillies principalement dans les centres spécialisés et Diar Errahma, alors que 19 pouponnières reçoivent les enfants abandonnés âgés de 0 à 6 ans. Selon Ould Abbès, le terrorisme, l´exode rural et les problèmes sociaux ont été les principaux facteurs de la recrudescence de ce phénomène social.