Allié traditionnel par excellence, Moscou entend se replacer à sa juste place. Avant la mi-février 2006, Vladimir Poutine sera à Alger pour une visite d'Etat qui durera trois jours. L'information, annoncée il y a plusieurs jours par la presse moscovite, confirme celle déjà donnée par l'ambassadeur de Russie en Algérie, il y a près d'un mois. Poutine, qui répond à l'invitation de Bouteflika, aura à coeur joie de replacer la Russie dans sa véritable place d'allié traditionnel et central de l'Algérie. Jusqu'en 1990, c'était Moscou qui s'occupait d'équiper les armées algériennes et de former des officiers militaires de haut niveau. La période de «flottement» comprise entre 1990 et 2002, avait relégué les relations bilatérales entre Alger et Moscou à une révision totale de leur politique de coopération. En fait, et pour des raisons stratégiques, autant que politiques et économiques, Moscou et Alger marquaient un long temps d'arrêt. La Russie, après l'éclatement de l'Union des Républiques soviétiques, se retrouva à nu, et hormis ses grandes capacités militaires et ses énormes ressources énergétiques, est obligée de se refaire à zéro. A partir de là, Moscou se concentre surtout à récupérer ses créances auprès des pays amis, dont l'Algérie qui devait à Moscou plusieurs centaines de millions de dollars. Certaines sources estimaient fin 2002, à 1,5 milliard de dollars la dette algérienne auprès de ses fournisseurs d'armes et d'équipements russes. Alger, de son côté, voulait diversifier son armement, et se tourna de fait vers la France et les Etats-Unis, devenus ses deux principaux partenaires. Depuis les événements du 11 septembre notamment, Washington resserre ses liens avec Alger et consent à lui fournir de nouveau armements et autres équipements militaires. Mais Alger a dû finalement relativiser son intérêt pour les autres pays occidentaux. Equipée à 80% par l'armement russe, l'armée algérienne a encore besoin d'une coopération militaire, notamment en matière de maintenance des équipements et de formation d'officiers (pilotes de MIG, parachutistes, etc.). Cette exigence est d'autant plus réelle que, en fait, l'armement russe, présenté par l'Occident comme vieilli et largement suranné, n'a jamais cessé d'être transformé par les experts et techniciens russes, de sorte qu'il représente, en réalité un armement qui fait concurrence à ce qui existe de meilleur sur le marché du commerce de l'armement militaire. D'un autre côté, les élites formées dans les écoles militaires soviétiques, occupent aujourd'hui de hautes fonctions dans la chaîne de commandement de l'ANP et entretiennent les meilleures relations qui soient avec leurs homologues russes. Le rapprochement se fera, donc, sur la base d'une longue tradition d'amitié perturbée à partir de la Perestroïka russe et de l'entrée par l'Algérie dans une décennie de graves turbulences politiques (1989-1999). D'autant plus que Moscou veut, cette fois-ci, non pas récupérer son argent, mais investir en Algérie et pénétrer en force le marché local. Allié traditionnel de l'Algérie depuis l'indépendance, Moscou cherche aussi à s'insinuer dans le Maghreb via l'Algérie. Les participations de l'Algérie aux exercices conjoints menés avec les Forces multinationales de l'Otan ont été mal perçues d'abord par la Russie qui a estimé que la désintégration du pacte de Varsovie devait nécessairement rendre le Nato dépassé. Par la suite, les exigences économiques, qui sont devenues l'axe central de la politique russe, ont pris le pas sur les allergies stratégiques ou idéologiques, de telles sortes que lorsque Vladimir Poutine foulera le sol algérien dans un mois, il sera accompagné par une équipe importante dont la mission principale sera de faire en sorte que les échanges commerciaux seront plus denses et plus importants, pour s'inscrire pour la première fois, en dehors de la vente de l'armement militaire.