La crise entre Moscou et Kiev a eu en fait des répercussions graves sur l'Europe tout entière. La Russie et l'Algérie ont convenu de développer une coopération tous azimuts en matière de prospection, d'extraction, de transport, de traitement et de commercialisation du gaz naturel, a annoncé mardi la compagnie Gazprom à l'issue de la visite d'une délégation du géant gazier russe en Algérie, a annoncé l'agence RIA Novosti, il y a deux jours à Moscou. Cet important «deal» économique intervient à quelques jours de la visite annoncée de Vladimir Poutine en Algérie, après plusieurs années de «passage à vide» politique. Vladimir Poutine sera à Alger vers la mi-mars pour une visite d'Etat qui durera trois jours. L'information, annoncée il y a plusieurs jours par la presse moscovite, confirme celle déjà donnée par l'ambassadeur de Russie en Algérie, il y a près d'un mois. Poutine, qui répond à l'invitation de Bouteflika, aura à coeur joie de replacer la Russie dans sa véritable place d'allié traditionnel et central de l'Algérie. Jusqu'en 1990, c'était Moscou qui s'occupait d'équiper les armées algériennes et de former des officiers militaires de haut niveau. La période de «flottement» comprise entre 1990 et 2002, avait relégué les relations bilatérales entre Alger et Moscou à une révision totale de leur politique de coopération. En fait, et pour des raisons stratégiques, autant que politiques et économiques, Moscou et Alger marquaient un long temps d'arrêt. La Russie, après l'éclatement de l'Union des Républiques soviétiques, se retrouva à nu, et hormis ses grandes capacités militaires et ses énormes ressources énergétiques, est obligée de se refaire à zéro. A partir de là, Moscou se concentre surtout à récupérer ses créances auprès des pays amis, dont l'Algérie qui lui doit plusieurs centaines de millions de dollars. Certaines sources estimaient à fin 2002, à 1,5 milliard de dollars la dette algérienne auprès de ses fournisseurs d'armes et d'équipements russes. Alger, de son côté, voulait diversifier son armement, et se tourna vers la France et les Etats-Unis, devenus ses deux principaux partenaires. Depuis les événements du 11 septembre notamment, Washington resserre ses liens avec Alger et consent à lui fournir de nouveaux armements et autres équipements militaires. Mais Alger a dû finalement relativiser son intérêt pour les autres pays occidentaux. Equipée à 80% par l'armement russe, l'armée algérienne a encore besoin d'une coopération militaire, notamment en matière de maintenance des équipements et de formation d'officiers (pilotes de MIG, parachutistes, etc.). Cette exigence est d'autant plus réelle que, en fait, l'armement russe, présenté par l'Occident comme vieilli et largement suranné, n'a jamais cessé d'être transformé par les experts et techniciens, de sorte qu'il représente, en réalité un armement qui fait concurrence à ce qui existe de meilleur sur le marché du commerce de l'armement militaire. D'un autre côté, les élites formées dans les écoles militaires soviétiques, occupent aujourd'hui de hautes fonctions dans la chaîne de commandement de l'ANP et entretiennent les meilleures relations qui soient avec leurs homologues russes. Le rapprochement se fera, donc, sur la base d'une longue tradition d'amitié perturbée à partir de la Perestroïka russe et de l'entrée de l'Algérie dans une décennie de graves turbulences politiques (1989-1999). D'autant plus que Moscou veut, cette fois-ci, non pas récupérer son argent, mais investir en Algérie et pénétrer en force le marché local. Allié traditionnel de l'Algérie depuis l'indépendance, Moscou cherche aussi à s'insinuer dans le Maghreb via l'Algérie. Les participations de l'Algérie aux exercices conjoints menés avec les forces multinationales de l'Otan ont été mal perçues par la Russie qui a estimé que la désintégration du pacte de Varsovie devait nécessairement rendre le Nato dépassé. Par la suite, les exigences économiques, qui sont devenues l'axe central de la politique russe, ont pris le pas sur les allergies stratégiques ou idéologiques, de telle sorte que lorsque Vladimir Poutine foulera le sol algérien dans un mois, il sera accompagné par une équipe importante dont la mission principale sera de faire en sorte que les échanges commerciaux soient plus denses et plus importants, pour s'inscrire pour la première fois, en dehors de la vente de l'armement militaire. Les deux pays se sont entendus sur l'élaboration et la signature d'un accord de coopération dans les plus brefs délais. Avec des réserves en gaz prouvées à hauteur de 4550 milliards de mètres cubes, l'Algérie est le deuxième producteur de gaz naturel en Afrique, après le Nigeria dont les réserves s'élèvent à quelque 5000 milliards de mètres cubes. Les réserves en gaz algériennes sont essentiellement concentrées dans les régions centrale et orientale du pays. En 2004, l'Algérie a produit 82 milliards de mètres cubes de gaz, en consommant seulement 21,2 milliards. Elle exporte son gaz par gazoduc vers l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Tunisie et la Slovénie, et sous forme liquéfiée, vers la France, l'Espagne, les Etats-Unis, la Turquie, la Belgique, l'Italie, la Grèce et la Corée du Sud. Après la Libye et le Nigeria, l'Algérie est le numéro trois africain du pétrole : ses réserves prouvées s'élèvent à 1,5 milliard de tonnes de brut. Dans le bilan énergétique algérien, le gaz naturel occupe 62,5%, le pétrole 34,5%, la houille 2,5% et l'énergie hydraulique 0,5%, selon le communiqué de Gazprom. Lors de sa visite en Algérie, le vice-président du directoire de Gazprom, Alexandre Medvedev, a notamment rencontré le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, le ministre des Finances et coprésident de la commission intergouvernementale russo-algérienne, Mourad Medelci, et le P-DG de la compagnie pétro-gazière publique Sonatrach, Mohamed Meziane.