Tout au long du film, le réalisateur s'efforce à donner un autre visage à la fameuse décennie de terrorisme. C'est un véritable coup de gueule que le film Douar de femmes. L'assistance s'est écriée: «Ah!!» Mohamed Chouikh n'a soufflé mot. La déception est d'autant plus grande qu'on se demande d'ores et déjà jusqu'à quand continuera-t-on de nous servir des plats d'une pareille fadeur. Pourtant l'expérience a démontré qu'en art, le talent, à lui seul, ne suffit pas. Ceci dit, M.Chouikh l'a appris à ses dépens, voire à ses risques et périls. En ce jeudi hivernal, le public était nombreux à venir assister à l'avant-remière du film Douar de femmes. Les invités ne manquaient pas. Les officiels se sont déplacés en bon nombre. La salle El Mougar était pleine à craquer. Avant le début de la projection, les sièges étaient déjà squattés. Il y avait donc beaucoup de monde ; trop de monde même. On s'empressait pour voir l'exploit héroïque de Sabrina et de ses voisines. «Sabrina, recueillie dans un douar, découvre une population pauvre et asphyxiée par le terrorisme. Les hommes se font recruter en usine à la place de leurs femmes et confient à ces dernières leurs armes pour se défendre durant leur absence, et chargent les vieux de veiller sur leur vertu. En prenant les armes, les femmes découvrent leur pouvoir et prennent conscience de leur statut. Le rapport de force est bouleversé et les tabous transgressés.» Voilà donc, le contenu du film tel qu'il est résumé dans le synopsis. A le lire, les premières impressions, les premières images qui nous viennent à l'esprit, ce sont les années de sang et de larmes qu'a vécues notre pays. Mais à assister à la projection, la réalité est tout autre. En effet, tout au long du film, qui dure 1h 40, le réalisateur s'efforce de donner un autre visage à la fameuse décennie de terrorisme. Peine perdue. Le côté dramatique cède le pas au burlesque et au comique. Des massacres? On en parle. De la souffrance du peuple? On croit entendre. S'il y a un fait à déplorer dans Douar de femmes, c'est l'absence frappante du travail de recherche, sociologique soit-il ou psychologique. Quant au premier, Chouikh semble l'ignorer complètement. Pourtant, l'élément social est d'une importance à ne pas négliger, sous aucun prétexte. Il est nécessaire de placer l'histoire dans son contexte social. Revisitons un peu l'intrigue du film: des hommes quittent leurs femmes pour aller travailler. Jusque-là tout va bien, mais les choses frôlent l'absurde lorsqu'on apprend que ces femmes doivent assurer leur autodéfense et faire face aux terroristes. Ces derniers, pourtant, sont réputés pour leur inhumanisme et leur bestialité poussés à l'extrême. Et les massacres commis tout au long de la décennie écoulée en témoignent. Comment donc une idée aussi absurde peut-elle venir à l'esprit? De tous les points de vue, cette idée est incorrecte. Cette réalité (si cela en est une), peut-être acceptée ailleurs, mais pas en Algérie. D'autant plus que nous vivons au sein d'une société patriarcale où les principes et les traditions priment sur toute autre considération. Le réalisateur a tenté de transgresser les tabous, mais cela il l'a fait à ses dépens. Il rame à contre-courant de toutes les sociétés où le père, donc l'homme, tient une place prépondérante. Le deuxième volet que Mohamed Chouikh a ignoré, c'est le côté psychologique. Les personnages campent des rôles qu'ils n'ont pas pu, ni su vivre. Prenons le cas du personnage principal, Sabrina (Sofia Nouacer). Dans le film, cette dernière a assisté en direct au massacre de sa famille. Ses parents étaient égorgés sous ses yeux. Néanmoins, rien de cela n'est perceptible. Psychologiquement parlant, on peut justifier cela par le fait que Sabrina a refoulé son passé douloureux, donc son traumatisme demeure latent. Le retour du refoulé ne sera pas effectué de sitôt. Cependant, à juger le caractère de ce personnage, c'est tout à fait le contraire. La personnalité de Sabrina est d'autant plus fragile qu'elle ne peut faire face à aucun danger. A la voir prendre la kalachnikov entre ses bras, on pense qu'elle est en train de jouer. Les patrouilles qu'elle a faites, avec les autres femmes, n'ont rien de réel. Ces rondes relèvent beaucoup plus de randonnées pédestres. En outre, la petite fille qui a échappé au massacre (elle a survécu après avoir été égorgée), ne souffre d'aucune séquelle, même si on nous dit qu'elle a perdu la voix, mais un enfant ne sort pas indemne de ce genre de choc. Aussi, les acteurs ayant interprété le rôle des terroristes, sont passés à côté de la plaque. Ces personnages accusent un manque flagrant de fermeté et de dureté. En un mot de réalité. Autre fait qui est à déplorer, c'est l'absence de suspense. Du début du film jusqu'à la fin, le réalisateur n'a de cesse de dérailler du thème principal de son oeuvre. A plusieurs reprises, on nous montre les gens du village, alors qu'ils sont plongés au beau milieu du maquis, en train de faire la fête, et encore en pleine nuit!! Par ailleurs, plusieurs passages du film sont incohérents. Quel est le rôle du vendeur d'ânes? Et celui du garde-champêtre? Aussi, les ratissages effectués par les unités de la Gendarmerie nationale ne relèvent que d'un simple défilé militaire. Aussi, ce corps de sécurité n'a pas vraiment joué le rôle principal dans la lutte antiterroriste. Dans les maquis, cette tâche incombait aux éléments de l'Armée nationale populaire. Ainsi donc est Douar de femmes. On s'attendait à voir une oeuvre cinématographique, mais on découvre un simple long métrage d'une platitude criante qui n'apporte aucun fait à la compréhension des années de cendres. Mesdames, ne craignez rien, rentrez donc chez vous, ce n'est qu'une fausse alerte.