Ce qui semble être le grand projet politique du président marque le pas depuis le 29 septembre. La Grande prière de l'Aïd El Adha a tourné autour d'une thématique majeure : la réconciliation nationale. La Grande mosquée d'Alger aura vécu avant-hier un bien étrange soliloque que constituait le prêche de l'imam cheikh Mohamed. Flanqué de ses ministres et des représentants du corps diplomatique des pays musulmans, le président de la République, emmitouflé d'une ample kachabia sombre, écoutait avec intérêt le prédicateur de la Grande mosquée d'Alger rappelant à tout le monde que la réconciliation nationale reposait en fait sur les seules épaules de Bouteflika, et précisait que les mosquées avaient agi de concert avec le président de la République pour faire réussir le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale, tout en égratignant, sans en avoir l'air, ceux qui gravitaient autour du projet sans y adhérer réellement. «Lorsque le président est parti se soigner, tous les Algériens ont démontré qu'ils le portaient en haute estime et suivaient les informations sur son état de santé avec grand intérêt (...) et ce sont les mosquées qui avaient mobilisé les foules pour plébisciter le projet de réconciliation nationale. En fait, il n'y a de salut pour le pays que dans la paix». Alternant éloges au président et rappel des engagements pris en ce sens, l'imam qui avait en charge le prêche de la Grande prière de l'Aïd El Adha dressait en fait un tableau simple et complexe à la fois de la réalité de la paix en Algérie : en fait, tout reposait sur le président et sur le président seul. Les prières et exhortations qui ont clôturé le prêche définissaient que, en réalité, n'est pas réconciliateur qui veut, et lançaient autant de messages codés à l'endroit des ministres qui accompagnaient le président: «A Dieu, nous demandons de réunir les coeurs autour de la paix et de la réconciliation comme IL a réuni les corps, ici, aujourd'hui. A LUI nous demandons de faire converger les esprits vers la paix comme il a réuni les fidèles, ici dans la mosquée. A LUI nous demandons guérison et santé au président afin qu'il puisse mener à terme son projet, derrière lequel nous marchons tous, et que nous avons appuyé avec toute l'ardeur de la foi», a notamment affirmé l'imam Cheikh Mohamed. Annoncé le 14 août 2005, lors du discours du président de la République aux cadres de la nation, le projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale a été plébiscité par voie référendaire le 29 septembre par la majorité des votants, ce qui a conféré à Bouteflika une aura d'homme de paix et l'a investi pratiquement de tous les pouvoirs. Cependant depuis cette date, c'est-à-dire depuis plus de trois mois, les choses piétinent et les textes de loi tardent à voir le jour, ce qui a renseigné les observateurs sur la complexité du projet. Les polémiques qui l'ont accompagné tout au long de la campagne du président de la République ont reflété la difficulté de lisser toutes les aspérités d'un dossier très épineux. Principaux concernés par les textes de loi portant paix et réconciliation nationale, les islamistes, malgré des critiques portées à certains paragraphes du projet, ont massivement adhéré au projet du président Bouteflika. Le projet leur fait porter la lourde responsabilité de la tragédie nationale et les exclut de manière définitive de l'échiquier politique légal. Cependant, ils ont jugé qu'il comporte des avancées sérieuses en matière de réconciliation notamment concernant les mesures d'extinction des poursuites à l'encontre des islamistes recherchés à l'étranger et des terroristes armés qui se rendraient aux autorités, sans avoir les mains tachées de sang, ainsi que les mesures d'allégement de peines ou de libération pour ceux qui ont déjà purgé une partie de leur peine.