Une banque publique se paie une page de pub dans des quotidiens, le DG de la BEA fait une tournée discrète dans ses succursales, la BNA «se redéploie», le CPA se «redéfinit vis-à-vis de sa clientèle». Mais, malgré les efforts que déploient autant les managers que les travailleurs, les banques algériennes restent l'otage d'une politique qui en fait les vassaux bêtes et disciplinés d'une Banque d'Algérie dont les instructions ont plus que force de loi. «Nous ne pouvons rien faire qui ne soit autorisé par la Banque d'Algérie», se plaint ce cadre de la BNA. Cela suppose que tout est interdit, sauf ce qui est autorisé. Ainsi, des cadres compétents, expérimentés, rongent leur frein en regardant d'autres banques, moins puissantes, moins dotées en moyens humains, grignoter leur part de marché. Alors, certains ont été tentés par l'aventure des banques privées algériennes et étrangères. Ils déchanteront vite. «Si les salaires sont effectivement meilleurs, le diktat des instructions de la BA n'y sont pas moins castrateurs, même quand elles vont à l'encontre de la loi», avoue un cadre gestionnaire d'El Khalifa Bank, qui ajoute que «nous sommes amenés à favoriser les opérations de commerce au détriment de l'investissement. Et même là, nous privilégions les opérations couvertes à 100 pour 100 par le client». En fait, le seul événement notable dans l'histoire bancaire du pays aura été la levée de la domiciliation obligatoire. Depuis, toutes les mesures prises dans ce secteur auront été limitatives, tuant l'esprit d'initiative et créant un syndrome de la prison. La notion de prise de risque a complètement changé de sens pour devenir «ne prendre aucun risque». A l'Association des banques et des établissements financiers (Abef), le mot d'ordre est: «Faire de la banque algérienne une entreprise rentable et au service de l'économie nationale,» sans que cette économie soit définie entre le bazar et l'industrie. Un ancien DG de banque publique affirme, à qui veut l'entendre, qu'«il y a un puissant lobby, presque un monopole privé sur le commerce extérieur, qui s'oppose à la réforme du système bancaire». D'autres sources, issues du milieu de la finance nationale et internationale, soutiennent que «le gouvernement n'a pas les moyens de réformer, car la recapitalisation des banques nécessite des montants tels que l'Etat devra faire appel à des ressources extérieures, qui, elles, ne viendront que si les réformes sont faites». Cercle vicieux parfait, cette situation semble arranger tous les intervenants. Elle explique et excuse le report des réformes du système financier d'une année sur l'autre, alors qu'elles sont un préalable à toutes les autres réformes: les privatisations, l'agriculture, l'investissement privé national, l'afflux de capitaux étrangers, «sont prédéterminés par la qualité du système bancaire, la souplesse de ses procédures, la transparence de ses opérations, et aussi, et surtout, sa capacité à lever l'épargne nationale, et attirer l'épargne étrangère», affirment tous les cadres contactés. Donc, l'efficience de la nouvelle loi sur les hydrocarbures, l'ordonnance unique en matière de réformes économiques, le PNDA, risquent de se mettre en veilleuse jusqu'à ce que les banques deviennent des banques.