Avec l'idée d'un troisième mandat, Belkhadem replace le débat sur un autre registre. «Si la Constitution est amendée, si ses articles permettent un troisième mandat, nous soutiendrons M. Bouteflika qui est également le président du FLN.» Cette déclaration faite à la presse nationale par Abdelaziz Belkhadem, dans la soirée de mardi, à l'issue de la réunion de l'instance exécutive du FLN, appelle au moins à trois niveaux de lecture. D'abord, l'assurance avec laquelle le secrétaire général du FLN a décliné ses propos, laisse croire que le président est définitivement rétabli de sa maladie. Aussi, l'état de santé de M.Bouteflika n'est plus le souci qui l'empêcherait de briguer un troisième mandat si, toutefois, la loi suprême du pays le lui permettrait. En plus de ce côté rassurant, la déclaration du secrétaire général du FLN est à même de mettre fin aux supputations et aux rumeurs selon lesquelles le président Bouteflika n'a pas toutes les capacités physiques pour assurer la suite de son deuxième quinquennat : des rumeurs particulièrement colportées par les médias français et les journaux marocains. Ces derniers, rappelle-t-on, affirmaient «que le président algérien est fini». Evacué en urgence en France, Bouteflika a été hospitalisé le 26 novembre dernier, à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris où il a été opéré d'un «ulcère hémorragique au niveau de l'estomac». Après avoir quitté l'hôpital le 17 décembre, le chef de l'Etat est resté en convalescence dans sa résidence parisienne avant de regagner Alger, le 31 décembre. L'accueil chaleureux qui lui a été réservé consacre un nouveau triomphe populaire pour le président Bouteflika. Convaincu que les prières des Algériens ont contribué à sa guérison, le chef de l'Etat affirme avoir vécu sa maladie comme «une épreuve divine». La seconde lecture, concerne la succession qui, elle aussi, a fait couler beaucoup d'encre au sein des médias étrangers. Le message de Belkhadem a été en quelque sorte le suivant : la guerre de succession n'aura pas lieu et les chantiers ouverts ou entamés seront menés à terme. Ceci nous amène à un troisième niveau de lecture de cette même déclaration de Belkhadem. Elle concerne la guerre feutrée que se livrent les deux principaux partis de la coalition gouvernementale au sujet de la révision de la Constitution. La raison invoquée au début, est «qu'il fallait clarifier la nature du régime algérien». Mais en filigrane, le FLN voulait récupérer la chefferie du gouvernement. Il ne s'en cache pas d'ailleurs. Ses militants le scandent ouvertement dans les meetings. Revigoré par la tenue de son congrès réunificateur et par les résultats qu'il a obtenus lors des élections partielles en Kabylie, le FLN compte rester la première force politique du pays. Ayant décrypté le message, Ouyahia a toujours estimé que l'amendement de la Constitution «n'est pas une priorité». Evidemment, le RND a lui aussi ses motivations réelles qui l'empêchent d'adhérer à la proposition du parti majoritaire. Le véritable motif tient, selon des observateurs de la scène politique, aux militants de ce parti qui voient en leur secrétaire général, Ahmed Ouyahia, l'homme présidentiable en 2009. D'autre part, la perte de la chefferie du gouvernement risque de causer des dégâts pour le RND, qui n'a pas brillé lors des élections partielles. Le parti d'Ouyahia compte tirer profit de ce poste privilégié de l'Exécutif qui le place en position de force «relative» durant les prochaines élections législatives et communales. L'idée de la révision du texte fondamental du pays n'est pas nouvelle. La nouveauté c'est le fait que c'est la première fois que Belkhadem évoque, à travers la révision de la Constitution, l'idée d'un troisième mandat. Non seulement il place le débat sur un autre registre mais il vient verrouiller «le jeu» pour M.Ouyahia. Car de ce point de vue, le débat est clos puisqu'il suggère cette question : êtes-vous pour ou contre un troisième mandat de M.Bouteflika? Pratiquement bipolarisée entre le FLN et le RND, la scène politique nationale, ou ce qui en reste, assiste ainsi à un deuxième acte des échanges à fleurets mouchetés entre le secrétaire général du FLN et le patron du RND. La réplique à cette onde «Flniste» est attendue durant la deuxième quinzaine du mois de février, date de la tenue du conseil national du RND. Ahmed Ouyahia, qui s'est fait une tradition d'animer une conférence de presse à l'issue de chaque conseil national, sera inévitablement interpellé sur cette déclaration de Belkhadem. La polémique est donc relancée de plus belle et «les hostilités» se poursuivent entre les deux personnalités politiques actuellement les plus en vue.