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Les patients et les riverains pénalisés
CENTRE DE CANCEROLOGIE DE SIDI M'HAMED
Publié dans L'Expression le 24 - 01 - 2006

Des conflits au quotidien éclatent entre les habitants et les centaines de personnes qui viennent au centre.
On dit souvent, pour avoir un bon résultat il faut mettre l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Certains des philosophes ont appliqué ce dicton même à des espaces, à savoir qu' il faut toujours choisir l'endroit avant de construire. Apparemment, cette idée n'est pas vraiment prise en considération par certains responsables. Ce qui crée souvent des conflits dans le voisinage et même chez les concernés qui sont pris au piège, car ils n'ont pas le choix dans la plupart des cas. C'est ce qui se passe actuellement dans une cité dont les victimes sont les habitants et les cancéreux. En effet, les habitants de la cité HLM 2e groupe, sise à la Place du 1er-Mai, à Alger, se sont rapprochés de notre rédaction pour exprimer leur colère par rapport à une situation qu'ils qualifient d'infernale.
Ainsi, ces habitants se trouvent confrontés à un vrai problème. Suite au séisme de 2003 qui a frappé notre pays, le Cpmc, unique structure pour le traitement du cancer à Alger, a été gravement endommagé. Aussi, les responsables ont transféré le service de consultation qui n'est plus en mesure de recevoir le grand nombre de malades venus de différentes régions du pays vers le centre médical situé aux HLM, 2e groupe, sis à la Place du 1er-Mai, Alger, afin de prendre en charge les malades et gardes-malades à l'initiative de la tutelle. Depuis ce jour, des conflits au quotidien éclatent entre les habitants et les centaines de personnes qui viennent au centre soit pour des consultations soit, pour accompagner les malades. En effet, cette petite cité, qui vivait dans le calme et qui bénéficiait de soins élémentaires pour les enfants et les vieux, a été chamboulée par la transformation de ce centre de soins en centre de cancérologie, engendrant par là des désagréments pour les résidents qui n'arrivent plus à circuler dans la cour ou même stationner leurs voitures à cause du nombre des visiteurs enregistrés quotidiennement devant ce centre. Sans parler des ambulances qui rentrent et qui sortent chaque seconde. Pour avoir plus de détails sur cette affaire, nous avons visité la cité pour nous rendre compte de l'état des lieux. En effet, sur place, nous avons eu l'impression d'être à l'intérieur d'un hôpital. La cour de la cité était encombrée de voitures. De longues files de malades se trouvaient devant la porte du centre, chacun attendait son tour depuis des heures.
En nous approchant d'eux et leur précisant bien sûr qu'on était des journalistes, la plupart de ces malades ont semblé au début intimidés, puis, appelés à faire un commentaire, ont exprimé leur colère et leur sentiment de solitude et d'abandon par les responsables. «Je suis cancéreux depuis deux ans. Pour avoir déjà un rendez-vous de contrôle, il faut attendre des mois. Souvent ma famille me ramène dans un état critique et parfois elle m'emmène chez un médecin privé pour une biochimie qui coûte douze mille dinars.» nous dira Y.H., un jeune malade que nous avons rencontré juste à la sortie du centre.
Un hôpital est indispensable
En parcourant les couloirs étroits à l'intérieur du centre encombré de personnes âgées mais aussi de jeunes, nous sommes étonnés de voir des enfants sur les lieux. Accompagnés souvent de leurs parents chez lesquels vous pouvez déjà lire une tristesse profonde sur le visage. Assise sur une chaise dans la salle d'attente, une jeune femme qui donnait des petits biscuits à son enfant a attiré notre attention. Au début, nous avons caché notre identité de peur qu'elle refuse de nous parler comme certains l'ont fait. En sympathisant avec son enfant, cette femme lâche subitement : « Je ne sais plus comment il a attrapé cette maladie. A sa naissance, il se portait bien. Puis il commença à perdre l'appétit et à s'évanouir assez souvent. Cela a été une catastrophe pour nous quand nous avons appris sa maladie. C'est la volonté du bon Dieu. Mais ce qui nous désole le plus est le manque d'intérêt que nous portent les responsables. Ce centre est largement saturé, et il ne répond pas du tout aux normes car il est trop exigu et son service et très limité par rapport au nombre de malades qui viennent quotidiennement. Tout le monde sait que cette maladie ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre pays, aussi, un seul centre national est loin d'être suffisant.» Elle ajoute, par ailleurs, que ce centre est très mal situé vu qu'il se trouve dans une cité où souvent les malades entendent des commentaires désagréables de la part des jeunes. En outre, il n'est pas doté de moyens pour le confort des malades qui doivent attendre des heures leur tour. En essayant d'avoir plus de détails sur le fonctionnement de cette structure, nous avons tenté de joindre les responsables. Ces derniers ont refusé de nous recevoir ou de nous faire des déclarations sous prétexte qu'ils onts eu des instructions dans ce sens.
On a su, par la suite, que les habitants ont envoyé des requêtes au président de l'APC de Sidi M'hamed afin de trouver une solution adéquate à leur problème. En se rapprochant du premier responsable de l'instance communale, ce dernier nous a fait part de son opinion en déclarant, en outre, qu'il a adressé des demandes à la tutelle pour trouver une solution à cette situation qui devient insupportable, jour après jour, notamment pour les malades. «Il faut dire que ce centre n'est plus en mesure de recevoir les malades. Il faut mentionner que les conditions ne sont pas du tout réunies dans ce lieu encombré. Je pense que c'est le moment de construire un hôpital pour cette catégorie de malades vulnérables. Nous sommes prêts à contribuer par une assiette de terrain s'il le faut», nous dira M.Mokhtar Bourouina, P/APC, qui n'a pas manqué de faire référence à l'initiative de l'Etat égyptien qui a réussi à construire un hôpital grâce à un téléthon animé par des acteurs de cinéma. «Nous pouvons construire cet hôpital si nous procédons de la même sorte. Les Algériens sont connus pour leur solidarité, et je pense qu'ils répondront en force si nous lançons cet appel », a ajouté, par ailleurs, M.Bourouina.
30.000 à 35.000 nouveaux cas
Il faut noter qu'en Algérie, les cas de cancer sont en nette augmentation. 250.000 sont recensés actuellement. Entre 30.000 à 35.000 nouveaux cas sont enregistrés chaque année. Ce chiffre va sensiblement doubler en 2010 pour atteindre 60.000. 10% des cancers sont héréditaires.Le nombre de cas de cancer du sein enregistré annuellement se situe entre 4000 et 7000. S'agissant du cancer pédiatrique, 1000 à 1500 cas sont décelés chez les enfants en Algérie, soit un taux de 5%. A Oran, 40 à 50 cas de cancer bronchique sont diagnostiqués chaque année, selon le Pr Berrabah Yahia, spécialiste auprès du service de pneumologie du Centre hospitalo-universitaire d'Oran (Chuo). Ces chiffres alarmants avaient déjà été avancés par le ministre de la Santé. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette situation inquiétante, dont l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance (51 ans en 1962 et 74 ans en 2004), la pollution et le tabagisme. Cette maladie ne cesse donc de prendre de l'ampleur dans notre pays et dans le monde. Selon les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 20 millions de malades sont atteints de cancer dans le monde. Ce chiffre devrait atteindre 30 millions en 2020, dont 65% des cas surviendront dans les pays en développement. Cette organisation estime à plus de 10 millions les nouveaux cas de cancer. Sur ce nombre, 4,7 millions sont enregistrés dans les pays développés et 5,3 millions dans les pays en développement. Actuellement, le cancer est responsable de 6 millions de décès dans le monde, dont plus de 50% surviennent dans les pays en développement. Ce chiffre atteindra 10 millions dans les années à venir. Cette pathologie représente, selon l'OMS, 12% des décès dans le monde. Selon la même source, des malades du cancer sont confrontés actuellement à des difficultés d'accès aux soins en raison de la cherté des médicaments. D'ailleurs, plusieurs malades que nous avons rencontrés devant ce centre ont exprimé leur inquiétude et leur désespoir surtout.
La plupart d'entre eux, issus de classes moyennes ou pauvres, éprouvent des difficultés à acquérir ces médicaments, en raison de leur coût élevé, oscillant entre 70.000 et 150.000 dinars: «Il n'y a aucune raison objective qui justifie que l'Etat ne prenne pas en charge les malades qui ont besoin de ce type de traitement», nous dira M.A., une jeune fille qui nous déclare que sa maman, qui souffre de cette maladie, ne peut plus se permettre d'acheter ces médicaments en raison de leur cherté: «Quand elle vient à ce centre, elle rentre chez elle épuisée par l'attente de son tour de consultation, pendant des heures. Cela est infernal pour tous les malades qui se sentent abandonnés et délaissés par l'Etat», a fini par conclure cette jeune femme. Les témoignages que nous avons recueillis sur les lieux démontrent que ce centre ne répond ni aux demandes des habitants ni à celles des malades. Ainsi, on s'interroge s'il n'est pas temps de penser à une véritable solution pour venir en aide à cette catégorie de malades. Et pourquoi pas adopter l'idée de construire un hôpital de cancérologie!


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