Les magistrats relevant de toutes les juridictions du pays ont déclenché une grève générale, vendredi 20 septembre, à l'appel de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), pour réclamer l'ouverture d'une enquête « sérieuse et rapide » par le procureur général près la Cour d'appel de Tunis, au lendemain des échauffourées intervenues au palais de justice de la capitale, et ce afin de déterminer la responsabilité de toutes les personnes impliquées. L'AMT avait dénoncé les actes intervenus la veille, lorsque des dizaines d'avocats ont pris d'assaut le bureau du procureur près du tribunal de première instance, malmenant et insultant celui-ci « avec les expressions les plus odieuses », eu égard à son rôle dans ce qui est appelé « l'affaire de l'appareil secret » du parti Ennahdha. Celui-ci a d'ailleurs réagi, hier, à la diffusion d'un document par la chaîne saoudienne Al Arrabiya, impliquant des éléments du parti infiltrés au ministère de l'Intérieur et accusant ce dernier d'avoir été mêlé à l'assassinat des militants de gauche Belaïd et Brahmi tout en étant informé via la direction générale de la sûreté de l'imminence des attentats du Bardo et de l'ARP. Ennahdha reproche à « la chaîne étrangère », sans la nommer, des « accusations mensongères » visant à « perturber le climat des élections » et continue de nier farouchement l'existence d'un quelconque appareil secret dont la mission serait d'éliminer ses opposants. C'est dans cette ambiance délétère que le président de l'ISIE Nabil Baffoun a tenu à tirer la sonnette d'alarme, sur le risque d'une « annulation du second tour » de l'élection présidentielle. L'ISIE, dit-il, «est confrontée à un grave dilemme concernant le statut du candidat qualifié au second tour de l'élection présidentielle, Nabil Karoui».»La loi électorale ne prévoit pas le statut d'un candidat privé de campagne électorale par mesure judiciaire». Or «le principe de l'égalité des chances est compromis et nous espérons que la situation sera claire avant le second tour des élections présidentielles»prévu le 13 octobre prochain. Le président de l'ISIE redoute que «le tribunal administratif ne conteste les résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle, en mettant en doute le déroulement de l'opération électorale dans son ensemble, ou que la décision du tribunal administratif touche le deuxième tour», raison nécessaire et suffisante pour qu'il conjure «les autorités judiciaires à donner au candidat Nabil Karoui le droit de faire campagne.» «La suspension des élections par le Conseil de l'ISIE est hors de question car ce n'est pas une décision facile et nous rechercherons des solutions autant que possible», a encore affirmé Nabil Baffoun. De son côté, Nabil Karoui, a adressé un message à ses partisans, transmis par sa femme Salwa Smaoui, dès la sortie de la prison El Mornaguia. Il leur recommande une mobilisation totale autour du parti qu'il a récemment créé, Qalb Tounes, car, proclame-t-il, « Qalb Tounes est Nabil Karoui, et Nabil Karoui est Qalb Tounes », promettant de « réaliser le rêve des tunisiens » pour peu qu'ils lui fassent confiance. Comme en écho, Rached Ghannouchi a appelé à voter Ennahdha pour faire barrage à la corruption et bloqué la route de Carthage à Qalb Tounes. Si ce dernier triomphe aux législatives, il mettra également en difficulté Kaïs Saïed et, pour cela, Ennahdha doit être conforté au sein de l'ARP car c'est le seul parti qui entend « composer et travailler » avec le candidat indépendant. Un message qui a le mérite de ne laisser aucune place au doute quant au programme du candidat et du parti qui le soutient.