Washington accorde le plus grand intérêt au développement du conflit maroco-sahraoui. Le journal électronique du ministère algérien des Affaires étrangères a rapporté avant-hier, mardi, qu'une rencontre-débat s'est tenue au siège du ministère des Affaires étrangères entre Ramtane Lamamra, secrétaire général du ministère algérien des AE et une délégation d'assistants parlementaires, «staffers», américains en visite en Algérie depuis le 22 janvier, et dont l'axe s'articulait autour de la question du Sahara Occidental et la situation au Maghreb, en général. Selon le communiqué du ministère, durant cette rencontre, les «staffers» ont eu l'occasion de s'informer sur «la situation dans notre région, plus particulièrement, les développements liés à la question du Sahara occidental et à celle relative à l'Union du Maghreb arabe». Les assistants parlementaires américains ont également manifesté «beaucoup» d'intérêt aux questions qui dominent l'actualité internationale, comme la situation au Moyen-Orient et le dossier nucléaire iranien, ainsi qu'au processus de démocratisation dans le monde arabe. Portant un intérêt particulier à tout ce qui se passe et bouge dans les Etats arabes, et principalement dans les pays du Maghreb, les «staffers» se sont montrés «particulièrement» intéressés par les informations et les analyses que leurs interlocuteurs algériens développent à leur intention, notamment sur les perspectives de coopération algéro-américaine dans tous les domaines. Le MAE algérien note que les assistants parlementaires jouent «un rôle important» dans la préparation des dossiers des membres du Congrès américain et des positions qui sont exprimées par ces derniers, tant au niveau du Sénat que de la Chambre des Représentants. Il y a aussi à remarquer que le forcing américain vis-à-vis du Maghreb constitue un indice concernant son échec plus ou moins avéré concernant la question sahraouie, mais aussi concernant la «zone-grise du Sahel», qui constitue aussi un autre point de fixation des Américains, lesquels pensent que ce «no man's land sécuritaire» peut constituer une rampe de lancement pour les kamikazes d'Al Qaîda vers l'Occident. Comment renforcer la surveillance des réseaux terroristes en Afrique sans y déployer d'hommes ni y ouvrir de bases? C'est la question que se posent les Etats-Unis, à l'échelle du continent. Leurs experts, selon un haut responsables militaire américain, sont convaincus que l'Afrique, avec ses «zones grises», est en train de se transformer en base arrière du terrorisme où le risque d'implantation de groupes et d'attaques ira «grandissant». Mais, dans la mesure où le déploiement de vastes contingents, de toute façon inadaptés à une menace volatile, y est inenvisageable pour Washington, la solution retenue consiste, dans l'immédiat, à étendre la sous-traitance de la sécurité à des pays alliés. Ces derniers, en échange d'un appui matériel américain, ont à charge de renforcer la surveillance dans leur propre région. Parallèlement, Washington négocie des accords pour poser ses avions, en cas d'intervention urgente. Ce concept est déjà mis en pratique dans l'initiative Pan Sahel, dont l'objet est de fournir entraînement et équipement, notamment de communications, à quatre pays (Mali, Mauritanie, Tchad, Niger). Le dispositif s'étend aussi à l'Algérie, où un entraînement de l'armée par des spécialistes américains avait été opéré, et à la Tunisie et au Maroc, établissant ainsi un pont entre le sud du Sahara et le Maghreb. La région concernée est particulièrement sensible. Le général Charles Wald, l'un des responsables du commandement Europe (Eucom) de l'armée américaine, dont la responsabilité opérationnelle s'étend à une grande partie de l'Afrique, a terminé, dimanche 29 février, une tournée sur le continent (Algérie, Gabon, Nigeria, Afrique du Sud). Selon lui, des hommes d'Oussama Ben Laden cherchaient à s'y établir prioritairement «dans la partie nord de l'Afrique - à la fois le Sahel et le Maghreb -, et la Corne (...). Ils cherchent un endroit pour faire comme en Afghanistan - lorsque les talibans étaient au pouvoir -, en Irak ou ailleurs. Ils ont besoin d'un havre pour s'équiper, s'organiser et recruter». L'Afrique, selon un communiqué d'Eucom, y gagnerait une «nette augmentation de son importance stratégique». Mais dans l'immédiat, hormis à Djibouti, où près de deux mille soldats sont installés dans un ancien camp de la Légion étrangère française pour «couvrir» la zone sensible de la Corne, de la mer Rouge et du Yémen, le dispositif américain en cours de déploiement répond aux impératifs de «légèreté» édictés par le Pentagone. La coopération à l'échelle régionale, téléguidée par Washington, a toutefois enregistré un premier succès. Sur la base d'informations fournies par l'armée malienne, une colonne de véhicules du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc), la plus importante organisation islamiste algérienne, suspectée d'entretenir des liens avec Al Qaîda. Mais les groupes terroristes ne sont pas les seules cibles de la coalition virtuelle Pan Sahel. Le Mali y voit l'occasion de mettre fin aux activités des derniers rebelles touaregs; la Mauritanie, celle de neutraliser les militaires impliqués dans d'éventuels coups d'Etat. Le nouveau dispositif de Washington ne s'arrête pas au Sahel, mais s'étend au golfe de Guinée, sur la façade ouest de l'Afrique, dont le pétrole devrait couvrir, dans les dix prochaines années, de 15% à 25% de la consommation américaine, et remplacer en partie les approvisionnements du golfe Persique. Les deux géants de la région, l'Angola et le Nigeria, dont la production avoisine le million de barils par jour, font partie des pays avec lesquels les responsables américains sont en discussion pour établir des droits de passage pour leurs avions. Une base pourrait être ouverte prochainement à Sao Tomé et Principe, au large, nouvel eldorado pétrolier.