La réplique à cette «bévue contre la mémoire» a été violente à Alger. En annonçant, mercredi, la suppression du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 glorifiant le colonialisme, le président français, Jacques Chirac, a mis un terme définitif à une polémique qui allait déchirer la République française. M.Chirac a demandé, en effet, au Conseil constitutionnel de son pays, de «déclasser» du domaine législatif l'alinéa controversé de la loi du 23 février 2005. Cette loi qui se voulait une réparation pour les harkis est devenue une pomme de discorde dans la République et a surtout freiné l'élan des relations entre Alger et Paris. La réplique à cette «bévue contre la mémoire» a été violente à Alger. La classe politique et des associations de la société civile se sont mobilisées contre cette loi. De même que la quasi-unanimité des spécialistes de la colonisation se sont élevés contre cette volonté du pouvoir législatif d'imposer ainsi une «méthode» d'enseignement pour l'histoire. Deux mois après la promulgation de cette loi, le président de la République a annoncé la couleur de ce que serait la réaction algérienne à l'occasion de la commémoration des événements du 8 mai 1945. M.Bouteflika a évoqué la répression des forces coloniales et des milices civiles contre les manifestants algériens et a parlé de «génocide». La réaction du FLN est intervenue au début du mois de juin et a produit un effet d'avalanche dans la classe politique. Par la voix de son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, le parti majoritaire a fermement dénoncé cette loi. Alors que le Quai d'Orsay réagissait le 11 mai, estimant que le rapprochement franco-algérien «passe par un travail de mémoire commun, dans le respect mutuel, pour examiner et surmonter le passé, y compris dans les pages les plus douloureuses de la période de la colonisation». Mohamed El Korso, président de l'Association du 8 Mai 1945 a estimé que «la repentance reste pour le peuple algérien une condition sine qua non en vue de la conclusion du futur traité d'amitié franco-algérien». L'Organisation nationale des enfants de moudjahidine (Onem), le RND, le FLN, RND et le MSP construisent un consensus autour de l'exigence de repentance comme condition sine qua non de la signature du traité d'amitié. Le 28 juin 2005, le président Bouteflika revient à la charge et estime «difficile de ne pas être révolté» par cette loi qui «représente une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme». La pression algérienne continue, et en décembre 2005, les deux chambres du Parlement, l'APN et le Sénat, se sont élevées contre les dispositions de cette loi étant rappelé que la présence française a été avant tout synonyme de “spoliations de toutes sortes”. Ainsi, la mise en oeuvre de la suppression de l'article de loi controversé n'est intervenu qu'au terme d'une pression politique algérienne, d'un forcing de la gauche française appuyée par des intellectuels et historiens français. Le FLN s'est «félicité» de la décision du président Chirac. «Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que la France officielle se démarque de la France coloniale», a déclaré le secrétaire général du FLN. M.Belkhadem a souligné «l'intérêt» porté par cette décision du président Chirac à «la relation bilatérale pour permettre de dépassionner la période coloniale qu'il faut assumer». Le RND a estimé qu'elle ouvrait enfin la voie à la signature d'un traité d'amitié mis à mal par cette loi. Le MSP s'est également réjoui de cette décision affirmant que «c'est ce qu'il fallait faire pour consolider l'élan des relations entre les deux pays et facilitera à coup sûr la signature du traité d'amitié». Sur la même longueur d'onde, le MRN a salué «la démarche du président français et le travail des deux chambres du Parlement algérien qui ont exercé de fortes pressions pour l'abrogation de cette loi ». Enchanté par cette annonce, le chef de file des députés indépendants, Khaled Ahmed, a relevé qu'en promulguant cette loi «le Parlement français a commis une grave erreur politique et historique et qu'il est maintenant du devoir du peuple français de changer d'élus». Du côté du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), Mouloud Aounit reconnaît «une victoire, mais une demi-victoire». Les 50 associations signataires de l'appel «pour l'abrogation de la loi de la honte» avaient prévu de se réunir mardi pour la suite de la mobilisation. Elles arrêteront à ce moment-là leurs positions. La nouvelle a également reçu un accueil nuancé en Martinique. Dans un communiqué publié jeudi 26 janvier, le Parti communiste martiniquais (PCM) a évoqué «un nouveau recul du pouvoir imposé par la mobilisation de l'opinion publique en général et plus particulièrement par la lutte du peuple martiniquais rassemblé». Selon le PCM, les Martiniquais doivent «rester vigilants et mobilisés tant que ce texte n'est pas définitivement abrogé».