Les divergences entre les partis de l'alliance ne sont pas une vue de l'esprit. «La revendication des augmentations de salaires est légitime», indique Abdelaziz Belkhadem en guise de réponse sans ambages à la déclaration de Ahmed Ouyahia, faite il y a quelques jours, en marge de la clôture de la session d'automne du Sénat. La commission exécutive du FLN a d'ailleurs, confirmé les propos de Belkhadem. En effet, dans une résolution de politique générale qui a sanctionné la réunion de l'instance dirigeante du FLN, qui s'est achevée tard hier dans la soirée, il a été clairement établi que la revendication des travailleurs est bel et bien légitime. Abderahmane Belayat qui a présidé la commission qui a rendu cette résolution, a indiqué qu'affirmer tout de go que l'augmentation des salaires était illégitime n'était pas acceptable. Une telle décision devrait faire l'objet de dialogue entre le gouvernement et le partenaire social, a-t-il souligné. L'autre résolution qui retient l'attention des observateurs est relative à un appel adressé aux anciens cadres du FLN à réintégrer les rangs du parti. Pour en revenir à la revendication salariale, il est utile de signaler que le secrétaire général du FLN, lors de sa conférence de presse, a précisé que le thème n'a pas été abordé au niveau du gouvernement. Comme il souligne que les augmentations sont étroitement liées à la question du pouvoir d'achat qui a subi une réelle érosion avec la série d'augmentations des coût des services et de certains produits de première nécessité. Par conséquent, les travailleurs sont en droit de revendiquer des augmentations d'autant que l'Algérie dispose d'une aisance financière historique. Cependant, le FLN continue de croire que l'Alliance présidentielle a tout l'avenir devant elle. Il précise: «Nous n'avons pas voulu donner un prolongement aux structures de la base parce que nous sommes au tout début. Nous n'avons pas encore atteint la maturité. Mais je tiens à vous dire que l'Alliance ne bat pas de l'aile.» Le propos est justifié par le fait que le FLN est appelé à prendre la direction de l'alliance dans les jours qui viennent et qu'il compte en assurer la relance. Belkhadem se veut rassurant: «Nous la réactiverons. Nous lui donnerons de la consistance parce que le FLN est une force de proposition.» Les journalistes présents n'ont pas manqué de souligner les divergences, notamment lors du vote sur la loi anticorruption. Le manque de coordination a donné des sons de cloche différents et une séance de culpabilisation partagée. Le président du MSP, Bouguerra Soltani, avait auparavant lancé un appel de détresse et appelé à la réactivation de l'alliance. Ses pairs ne l'ont pas cru. Le FLN a même dit que l'alliance se portait bien. Ouyahia disait, il y a peu de jours: «La revendication des augmentations de salaires est illégitime». Belkhadem répond: «Elle est légitime» Mais on nous dira de ne pas chercher des noises dans la syntaxe. L'alliance se porte bien et la caravane passe. Faudra-t-il rappeler les déclarations contradictoires faites par l'un et l'autre pendant la campagne de sensibilisation sur la charte pour la paix et la réconciliation? Lorsque Belkhadem donnait l'exemple de l'Amérique latine, Ouyahia venait le lendemain répondre que «l'Algérie n'est pas le Chili ni l'Argentine». Pourtant il font tous deux partie de l'alliance et figurent dans le même gouvernement et font campagne pour les mêmes projets. Mais chacun fait les choses suivant ses convictions propres. La crise entre le FLN et le RND est réelle. Ce n'est point une vue de l'esprit de journalistes en mal de scoops. Chacun s'emploie comme il peut pour contrecarrer l'autre. Les raisons sont profondes. Elles remontent aux années dures du terrorisme. Quand le FLN exigeait des actions politiques concrètes pour sortir du guet-apens de la violence, le RND était ancré dans le «tout-sécuritaire» ambiant. Il avait réuni les «patriotes» et les GLD et en a fait un parti. Mais au fil des jours, on s'est rendu compte que le RND n'avait pas les contours d'un parti ni le contenu. Il était venu «remplir un vide», comme disait Bensalah, en chassant sur le terrain du FLN. Une page de l'histoire a été tournée et les contradictions entre les frères jumeaux ont rejailli. Mais que vient faire le MSP entre les deux? En effet, la guerre présente n'est pas la sienne. Il ne peut non plus servir d'arbitre entre les deux. Par excès de «participationisme», il se retrouve dans un conflit qui le dépasse. Son président a appelé à l'intervention du président de la République pour mettre un terme au conflit qui a assez duré. Mais le FLN ne cesse de répéter que le président est aussi président du FLN et ne peut donc être juge et partie. Il l'a répété hier en rappelant que le président a toujours été FLN, organiquement, et qu'il n'a pas été dans le MSP ou tout autre parti. Le FLN met le paquet sur l'option de révision constitutionnelle parce qu'il veut en finir avec cette ambivalence entre deux régimes. Belkhadem dit: «On était injuste envers le RND quand il avait la majorité. Et on l'est aujourd'hui pour notre parti qui dispose de la majorité. Si on était dans un système parlementaire, on aurait pris le gouvernement mais, dans le cas de figure actuel, il relève des compétences du président de la République.» Les partis de l'alliance se donnent rendez-vous dans peu de jours avec toutes les contradictions possibles. Malgré les déclarations qui témoignent d'un malaise incontestable on continuera de dire que l'alliance se porte bien. Qui oserait les contredire?