Abdelaziz Bouteflika a tenu à citer nommément le Chef du gouvernement en précisant que “ses décisions sont dictées par la conjoncture économique”. Jeudi dernier, les ministres RND et les nombreux cadres du parti arboraient, dans le hall du Palais de la nation, à la fin de la cérémonie commémorative du 50e anniversaire de la création de l'UGTA, des visages illuminés par de larges sourires qui en disaient long sur leur satisfaction quant au contenu du discours du président de la République. Moins de deux heures auparavant, ce dernier a cautionné de manière franche et directe la position de Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement et aussi secrétaire général du Rassemblement national démocratique, sur la question des augmentations de salaires. Le geste du chef de l'Etat, qui a tenu à citer nommément le chef du gouvernement, en précisant que “ses décisions sont dictées par la conjoncture économique”, et sont donc objectives, prend encore plus de valeur par l'ambivalence de son impact. En clair, le discours du chef de l'Etat, presque entièrement consacré à la question des salaires, conforte pleinement la position du RND, mais donne, dans le même temps, un sérieux revers au FLN et dans une moindre mesure au MSP. À l'issue de la cérémonie de clôture de la session parlementaire d'automne au Conseil de la nation le 28 janvier dernier, le chef du gouvernement avait déclaré : “les augmentations de salaires sont des revendications pressantes, mais illégitimes.” Il a lié la satisfaction de cette revendication sociale “au degré d'inflation ainsi qu'au taux de la croissance économique”. Il a insisté sur l'impératif de ne pas se laisser prendre au piège de l'augmentation des ressources de l'Algérie grâce à la hausse du prix du baril de pétrole. “Il est malvenu d'être aventureux sur les richesses créées par les hydrocarbures”, a-t-il prévenu. Quelques jours plus tard, lors d'une conférence de presse, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, est allé carrément à contresens des déclarations du chef du gouvernement en donnant l'impression de s'attaquer uniquement au patron du RND. “La question des salaires n'a pas été débattue au niveau du gouvernement”, a-t-il assuré avant d'affirmer que pour le plus vieux parti, “la revendication de l'augmentation des salaires est légitime”. Il a ajouté que “les critères devant régir les salaires ne sont pas uniquement liés au taux de croissance et à l'inflation, mais plutôt à une pléiade de paramètres devant mettre en relation les salaires et le pouvoir d'achat des citoyens. C'est ce point de vue que nous allons défendre lorsque la question des salaires sera soumise au gouvernement”. Abdelaziz Belkhadem a pensé, ainsi, faire d'une pierre deux coups. Discréditer, d'une part, Ahmed Ouyahia et son parti, et plaire, de l'autre, en prévision des élections législatives très proches à une opinion publique sevrée par un niveau de vie nettement plus élevé au pouvoir d'achat. Il s'est avéré au bout du parcours que Abdelaziz Belkhadem s'est lourdement trompé dans ses calculs. Le dernier discours du président Bouteflika a démontré que le secrétaire général du FLN est non seulement très mal informé, bien qu'il occupe un poste important dans le gouvernement en sa qualité de ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République, mais qu'il ne peut influer sur les décisions touchant directement les citoyens. Son parti domine, pourtant par le nombre, les institutions de l'Etat. “Le FLN a une autre vision sur la question des salaires”, disait, il y a quelques jours, Abdelaziz Belkhadem. S'opposera-t-il à la volonté du président de la République pour imposer cette “vision différente” ? L'avenir le dira. S. H.