Dans un contexte de mécontentement larvé qui dure des mois, le discours du président interviendra pour clarifier un débat devenu de plus en plus tendu. Le président de la République va rompre le silence à l'occasion du 50e anniversaire de la création de l'Ugta, en prononçant un discours important, comme l'a annoncé L'Expression dans son édition de samedi dernier. Des sources crédibles affirment que le discours de M.Bouteflika abordera plusieurs questions qui marquent actuellement la scène sociale, politique et économique. «Le président de la République abordera dans son discours principalement les questions qui divisent les partis de l'Alliance présidentielle stratégique », indiquent ces sources. Particulièrement deux principales questions divisent l'alliance. Il s'agit de la révision constitutionnelle et l'augmentation des salaires. «Pour les salaires, le président aurait déjà pris la décision. Il reste maintenant à trouver les modalités techniques pour appliquer les révisions salariales», précisent les mêmes sources. L'annonce de l'augmentation des salaires aura un effet tranquillisant et rassurant sur un dangereux mécontentement larvé depuis des mois. C'est donc une façon pour le premier magistrat du pays de calmer l'ébullition du front social. Depuis quelques mois une avalanche de grèves a caractérisé notamment les secteurs de la Fonction publique. Ainsi, les vétérinaires du secteur public ont débrayé pendant sept jours, les enseignants des cycles primaire, moyen et du secondaire ont paralysé les établissement scolaires durant deux semaines, les enseignants universitaires ont déserté les amphis l'espace d'une journée et menacent de «récidiver» du 25 février au 2 mars. Enfin, c'est le Snapap qui menace lui aussi de recourir à ce procédé de grève. Autant dire que c'est toute la Fonction publique qui a réagi. Mais il n' y a pas que ce secteur. Pratiquement tous les segments qui composent l'économie nationale ont réagi. Le leitmotiv des revendications est le même : l'augmentation des salaires. Il est difficile en effet, pour les pouvoirs publics, de convaincre le citoyen de l'application d'une politique d'austérité alors que l'Algérie n'a jamais été aussi riche. Cette question de salaires a réellement envenimé les rapports déjà tendus entre le RND et le FLN. Interrogé par les journalistes lors de la clôture de la session parlementaire, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a tranché la question en affirmant sèchement que cette revendication est illégitime. Pour Ouyahia, il est sous-entendu qu'une pareille revendication «doit obéir à des normes et des critères qui régissent le fonctionnement de l'économie». Cette déclaration qui se place à une année-lumière des propos populistes d'antan, a quand même soulevé l'ire des partis politiques comme le FLN, le MSP, El Islah et le PT. Du tac au tac, le FLN annonce la couleur et se démarque des propos du chef du gouvernement: «Nous sommes contre une approche économiciste et l'augmentation des salaires n'est pas une revendication illégitime, elle doit être étudiée et débattue avec tous les acteurs sociaux», a réfuté le secrétaire général du parti majoritaire, Abdelaziz Belkhadem, qui est également représentant personnel du président de la République. En plus de sa vertu «de calmant social», l'annonce de l'augmentation des mensualités sera également salutaire pour le patron de la Centrale syndicale, Sidi Saïd. Face à une contestation interne et à une pression sociale, Sidi Saïd a rarement été aussi en difficulté que durant cette période au point qu'il a carrément risqué «un renversement interne». Sidi Saïd a soutenu l'élection de M. Bouteflika en 1999. «Les débats sont clos, l'Ugta soutiendra Bouteflika», s'est-il distingué en 2004 avant d'amarrer pour la seconde fois la Centrale au programme du président Bouteflika. Il est donc légitime que cet allié fidèle trouve dans la décision du président «une bouée de sauvetage» et un retour d'ascenseur, face à des détracteurs politiques qui ne lésinent pas sur les moyens. L'annonce rappellera à l'ordre également les partis de l'Alliance stratégique. Ces derniers minés par des tiraillements exposent de plus en plus leurs divergences sur la place publique. «Dans ce sens, le président Bouteflika se prononcera sur un autre sujet qui fait l'objet de divergences. Il s'agit de la révision de la loi suprême du pays», ont affirmé encore les mêmes sources. «Les propos du président vont définitivement taire la polémique sur la question» ajoutent ces sources sans plus de précisions. En rompant le silence, Bouteflika apportera ainsi des éléments de réponse à une longue liste de revendications en plus du sujet de la réconciliation nationale. «Le président signera au moins une quinzaine de décrets pour la mise en application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale», indique-t-on également de même source. Si on excepte l'allocution prononcée lors du dîner offert en l'honneur du président brésilien M.Lula, le discours du 24 février prochain sera le premier du genre depuis le retour de M. Bouteflika au pays, le 31décembre, après trois semaines d'hospitalisation en France. Mais ce n'est pas la première fois que le chef de l'Etat aura choisi cette date pour s'adresser au peuple. On a toujours en mémoire la longue intervention prononcée en 2005, à la Maison du peuple, dans laquelle il n'a pas tari d'éloges sur Sidi Saïd et abordé les questions saillantes de la vie économique et politique nationale.