Sa nouvelle apparition se veut la confirmation de l'échec américain de le capturer lui et son chef Oussama Ben Laden. Dans un enregistrement vidéo diffusé lundi, et en grande exclusivité, par la chaîne satellitaire quatariote Al-Jazeera, le numéro deux d'Al-Qaîda, Ayman Al-Zawahiri, a démenti les rumeurs qui couraient sur sa mort au cours d'un raid de l'aviation américaine contre le village de Damadola, situé dans la zone tribale, à cheval entre l'Afghanistan et le Pakistan. «Les avions américains ont lancé un raid contre le village de Damadola (...) sous prétexte de vouloir me tuer ainsi que quatre de mes compagnons et voilà que le monde entier a découvert l'étendue des mensonges américains et de leur déroute», affirme-t-il dans ce message. Le 13 janvier, une attaque aux missiles -attribuée à la CIA bien que Washington n'en ait pas officiellement revendiqué la responsabilité - avait détruit plusieurs maisons du village de Damadola, dans le nord de la zone tribale pakistanaise, à quelques kilomètres de l'Afghanistan, soulevant une vague de protestations antiaméricaines et un tollé général de la part des populations pakistanaises, qui ont exigé le départ de l'ambassadeur américain à Islamabad, et mettant les autorités pakistanaises dans l'embarras. Selon des sources proches de la CIA citées par des médias américains, le raid visait Zawahiri, mais avait fait officiellement dix-huit morts parmi les villageois. Par ironie ou par une espèce de sarcasme décalé, Al-Zawahiri, a appelé le président américain George W.Bush à se convertir à l'Islam: «Si tu obéis, tu seras un frère de religion et Dieu te pardonnera le passé», mais deux minutes plus tard, il le taille en pièces: «Reconnais, Bush, que tu vas d'échec en échec, et que ce ne sont pas nos troupes qui sont en train de quitter l'Afghanistan et l'Irak mais bien tes propres troupes (...) le peuple américain doit savoir que Bush est en train de le mener vers la ruine et les échecs». Revenant à la charge: «Bush, sais-tu où je me trouve? Je suis parmi la foule des musulmans, jouissant de leur appui, leur attention, leur générosité, leur protection et leur participation au jihad jusqu'à ce que nous vous vainquions avec l'aide et la force de Dieu», a assuré le numéro deux d'Al Qaîda. Selon lui, le raid a été mené avec la complicité du président pakistanais Pervez Musharraf «le traître» et de ses services de sécurité, «les esclaves des croisés et des juifs». S'adressant «au peuple américain bercé d'illusions», Zawahiri a critiqué le rejet par l'administration américaine de la trêve proposée le 19 janvier par le chef d'Al Qaîda Oussama Ben Laden : Bush et son gang font couler votre sang et dilapident vos fortunes, vous entraînant vers une confrontation avec les musulmans pour multiplier leurs fortunes», a-t-il dit. En refusant la «sortie honorable» qu'est la trêve offerte par «le lion de l'Islam, Oussama Ben Laden», les dirigeants américains préparent à leur peuple «un avenir de la couleur du sang, de la fumée des explosions et des ténèbres de la terreur», a promis Zawahiri. «Vos dirigeants ont répondu à l'initiative (...) en disant qu'ils ne négociaient pas avec les terroristes», a-t-il rappelé. «Par leur souci d'accumuler les richesses, vos dirigeants insistent pour vous pousser vers la perdition et vous faire tuer en Irak et en Afghanistan». «Toi la mère américaine, si le ministère de la Défense t'annonce que ton fils arrive dans un cercueil, souviens-toi de Bush, et toi l'épouse britannique, si le ministère de la Défense t'annonce que ton mari revient paralysé, amputé et brûlé, alors rappelle-toi Blair» le Premier ministre britannique, a averti Zawahiri. «Bush, tu n'es pas seulement un vaincu et un menteur, mais aussi, avec l'aide de Dieu, un raté et un perdant», a-t-il poursuivi. «Tu portes malheur à ta nation et tu lui as apporté des catastrophes et des désastres». «Nous ne négocions pas avec les terroristes. Je pense que nous devons les détruire. C'est la seule façon de les traiter», avait déclaré le vice-président américain Dick Cheney, en réponse à l'offre de trêve de Ben Laden. Depuis près d'une année, Ben Laden, amaigri, fatigué, semble effacé. C'est Al Zawahiri qui rédige les communiqués d'Al Qaîda et apparaît dans les enregistrements diffusés par l'organisation, et c'est lui qui devient peu à peu l'interlocuteur médiatique des puissances occidentales et qui revendique les attentats. Que devient Ben Laden? Selon Turki Al Fayçal, l'ancien patron des services de renseignements saoudiens, qui est un des meilleurs connaisseurs au plan mondial de la nébuleuse Al-Qaida : «On dit qu'il est mort, ou très malade, peut-être blessé. Moi je sais qu'il est toujours en vie. En fait, tout indique que Al Zawahiri se prépare pour prendre la direction d'Al Qaîda. Non qu'il s'agisse d'une lutte de leadership au sein du commandement de l'organisation, mais le moment semble propice pour Al Zawahiri d'imposer son propre plan. Bien sûr, il s'agit de deux personnages influents, qui ont, chacun, leurs propres visions, mais ils semblent être deux facettes d'une même idée du Djihad». Turki Al Fayçal estime que la cote de popularité de Ben Laden a considérablement baissé en Arabie Saoudite: «Ben Laden a fait des choses intéressantes pour le djihad musulman jusqu'en 1990, mais par la suite, il a sombré dans des actes de violence, particulièrement sanglants, et les gens se sont détournés de ses idées. Je pense qu'aujourd'hui 4% seulement des Saoudiens continuent à lui faire confiance, bien qu'il demeure - je le sais - un héros chez beaucoup de musulmans dans le monde (....) les attentats de Riyad l'ont beaucoup discrédité». Concernant l'avenir du djihad transnational de type Al Qaîda, Turki Al Fayçal souligne que les références de ce djihad s'alimentent à partir du problème palestinien, et récemment irakien. Le retour du médecin égyptien Al-Zawahiri sur le devant de la scène médiatique est synonyme, non pas d'une revitalisation du djihad, mais plutôt une volonté de se poser sur l'échiquier politique et sécuritaire, au moment où Washington compte retirer ses troupes de l'Irak, lesquelles essuient des revers cuisants sous les coups des groupes djihadistes locaux, et dont certains, et des plus violents, sont idéologiquement affiliés à Al-Qaîda.