Un film poignant, qui remet au goût du jour la notion de complexité chez l'être humain... Lugubre, sinistre, mais aussi intéressant est le film qui nous a été donné de voir vendredi dernier, dans le cadre du ciné-club de l'association Chrysalide, consacré ce mois-ci à un cycle sur le réalisateur canadien, David Cronenberg. Faux semblants s'inscrit dans le prolongement de Vidéodrome, projeté la semaine dernière. De vrais jumeaux, gynécologues de renom, partagent le même appartement, la même clinique. L'un se veut fort de caractère, plus déterminé, Elliot, l'autre plus réservé, introverti, sentimental, portant le nom de Beverly. L'un renvoie un peu à la virilité masculine, l'autre à la sensibilité à fleur de peau féminine. Les deux forment «un couple» inséparable, comme le yang et le ying, un peu à l'image des frères siamois Chang et Eng dont la fin fut tragique. Un jour, l'arrivée d'une actrice à leur clinique bouleverse la vie de ces deux gynécologues. Anomalie de la nature, cette femme qui, « déformée » de l'intérieur ne peut avoir d'enfants. Dépressive, elle sera le catalyseur autour duquel se révéleront à nous les personnalités contradictoires de ces deux médecins interprétés par un seul acteur, l'excellent Jeremy Irons. Et le jeu malsain commence. Habitués à tout partager, ces deux médecins ne dérogeront pas à cette règle en fréquentant la même femme. Un côté pervers , trait caractéristique des oeuvres de Cronenberg est ici encore brandi en étendard. L'horreur est accentuée par ces outils de gynéco avant-gardistes, inventés par Bervely dans le cadre de ses recherches. Une sorte d'arme de torture pour des personnes aliénées, sadiques, diaboliques. Une scène rappelant le Ku Klux Klan où tout le staff du bloc opératoire est cagoulé et habillé en rouge, met en exergue ce côté viscéralement cruel, sanguinaire, barbare de ces images, «chirurgicales». Pessimiste, le film rend compte de l'échec des deux jumeaux à s'intégrer dans la société. Et pour accéder toujours à une certaine ascension, ils se donnent la mort pour se délivrer de leur « chair » , un peu comme dans Vidéodrome pour atteindre, une nouvelle condition faite de beauté et de perfection. Face à la froideur de nos vils instincts et nos destructives prétentions, il est peut être prôné ici le retour à l'état naturel de l'humanité après avoir «consommé» l'échec de la supériorité technologique. Paradoxal, le film donne à ressentir pour mieux voir, telle est finalement sa prétention de nous faire toucher le réel dans ses moments les plus forts, les plus vibrants, même aussi les plus abjects et douloureux, et nous faire glisser en nous-mêmes, dans les tréfonds de notre être, notre esprit, tels aussi deux jumeaux qui partageraient les mêmes sensations, même éloignés l'un de l'autre. Sorti en 1998, le film Faux semblants a été récompensé à juste titre au festival du film fantastique d'Avoriaz.