L'Ecolymet a réussi un véritable colloque sur l'histoire de la lutte de Libération nationale (1954-1962). La 4e rencontre annuelle des anciens «potaches» des lycées, collèges et medersas, n'a pas failli à la tradition, car, en plus des retrouvailles, les thèmes abordés étaient courageux, subtils et très instructifs. Mme Siari, née Ourda Ouanassa Tengour, a fouillé dans les dossiers du Shat (Service histoire armée de terre) Château de Vincennes à Paris, et a parlé des premiers pionniers qui ont préparé le soulèvement du 01/11/1954. Ces chahids ont pour nom Klouche Djelloul, Rostane, Grari, Berrrehil, Boukli-Hacène Djamel, qui ont été les premiers responsables qui ont préparé les caches, les armes et lancé les premiers groupes de Fidâ. L'émergence de la conscience nationale commença en milieu urbain à Tlemcen, avec les militants de l'Etoile nord-africaine (avec Driss Rostane, Ghouti Charif) le PPA-MTLD fortement implanté avec 250 militants en 1950 dont deux sections à Tlemcen, le mouvement des élus, le PCA et l'association des ulémas. Après Mme Siari qui a ainsi donné les premiers résultats de ses recherches sur des archives militaires, Mohammed Harbi a préféré devant un auditoire attentif donner un témoignage de son ami le chahid Sid-Ahmed Inal. Il dira en substance: «Un demi-siècle après l'indépendance, l'événement des espoirs des uns, des désillusions des autres, est une partie de l'histoire. Les anciens moudjahidine, précise-t-il, sont devant un double procès: triomphalisme et ingratitude. Les survivants éprouvent un sentiment de malaise. Le mythe nationaliste ne paie pas, perte de repères. Puis de questionner: Qu'est-ce que nous avons fait pour que les choses arrivent à ce point... Opposition de nationalistes entre eux, calculs, ambiguïtés, trahison d'une partie de ses enfants». «La mémoire, précise notre grand historien, est une mémoire de ses espérances (celle du peuple) qui se fixent sur des symboles morts au combat. Espérance sur un monde meilleur, une cohésion, moins enfermée, plus une ouverture sur le monde extérieur. Sid-Ahmed Inal avait des rapports simples avec la population alors qu'il sortait fraîchement diplômé de la Sorbonne. Mon ami Sid-Ahmed Inal, dira le conférencier, était ouvert, il n'était pas fixé sur les problèmes théoriques.» Après cette analyse historique, M.Negadi Sidi Mohamed, président de séance, passa la parole au moudjahid Miloud Hdeïli qui relata la mort de Sid-Ahmed Inal, secrétaire du commandant Faradj, chef du secteur 6. Sid-Ahmed Inal (24/02/1931 - 01/11/1956) blessé dans la bataille de Tadjmout, fut torturé par les militaires français qui lui arrachèrent les yeux avant de lui donner la balle de grâce. Témoignage émouvant d'un ancien maquisard qui a affirmé que tous les djounoud le respectaient et l'aimaient pour son ouverture d'esprit. Abdeslam Tabet, membre de l'Ecolymet, prit la parole pour faire la chronologie des événements du 16/01/1956 après la mort du docteur Benzerdjeb, arrêté puis torturé jusqu'à ce que mort s'ensuive. L'analyse de ces manifestations, une des premières en Algérie après celles du 08/05/1945 à Sétif, a été confiée à l'historien Fouad Soufi, qui a démontré l'effet de surprise de cette révolte de la ville de Tlemcen. 25.000 soldats furent mobilisés, le préfet Pierre Lambert s'est déplacé d'Oran pour diriger la répression. Trois jours 16, 17 et 18/01/1956, Tlemcen fut une ville morte. Tous les édifices ont été saccagés par les manifestants, aucun citoyen ne s'empara ni des bijoux ni des effets des magasins et bijouteries défoncés. Le témoignage le plus angoissant fut celui de l'avocat Abdellah Benblal, ancien officier de l'ALN et ami d'enfance et de combat du chahid Bekhti Abderrazak. Benblal créa la surprise devant un auditoire très attentif à l'épopée qu'ont vécue ces deux jeunes collégiens en montant au maquis dans la région de Sebra après avoir fait plusieurs attentats dans la ville de Tlemcen depuis août 1955. «Nous avons été convoqués par les responsables à Oujda : Si Mokhtar Bouzidi (nom de guerre Ouebellil), Bekhti Abderrazak (nom de guerre Zoubir) son secrétaire et adjoint et moi-même. Nous avons été enfermés dans une villa pendant dix jours. Si Mokhtar Bouzidi, chef du secteur 5, et Abderrazak Bekhti furent conduits à Amgad où ils ont été exécutés sans autre forme de procès.» Cette déclaration d'un ancien officier de l'ALN et, de surcroît, avocat fut commentée pendant le déjeuner, et un ancien commandant de l'ALN me confie: «Ce qui est arrivé à Abane Ramdane est arrivé à des combattants convoqués de l'intérieur du pays pour être exécutés sommairement. Pourquoi ? Pour l'amour du fauteuil (houb el koursi)». D'autres témoignages aussi émouvants furent faits sur les deux frères Allali Hocine (medersien) et Choukri (collégien), le premier mort au maquis, le deuxième assassiné par les hordes colonialistes après son arrestation comme fidaï. Djawad Sari raconta les péripéties des deux chahids Bouchenak, un autre témoignage sur les trois frères Benchekra Sid Ahmed (djoundi, mort dans l'embuscade de Zellaka), Abdelkrim (djoundi, mort à Terny dans une bataille), Mustapha (mort à Touririne Sebra dans un combat). Cette journée qui précède la Journée du chahid (18/02/2006), a montré qu'il est temps d'écrire l'histoire avec cohérence comme l'a souligné Benamar Mediene dans son intervention. L'historien, affirme Mediene, ne juge pas l'histoire. Notre histoire est faite de gloires et de reniement.