La matinée d'hier a été particulièrement tendue à cause des échauffourées entre policiers et étudiants.. La salle Harcha, à Alger, a vécu hier en fin d'après-midi, des moments mémorables. L'appel du MSP à protester contre la publication par la presse des caricatures du prophète Mohamed (Qsssl) a été largement suivi par les Algérois qui se sont déplacés par milliers aux fins de participer au meeting de protestation. Pleine à craquer, la salle omnisports de la capitale a vibré sous les slogans hostiles au journal danois responsable de cette affaire dite des caricatures. Principalement composé de jeunes du MSP, mais également de simples citoyens, le public a appelé au boycott des produits danois et promis que la justice divine se chargera de l'affront fait au prophète (Qsssl). Une ambiance des grands jours donc, dont on retient surtout le caractère pacifique, même si la détermination de défendre les symboles de l'Islam était très évidente. Le drapeau danois a été piétiné en signe de protestation contre l'affront fait aux musulmans. Une détermination d'ailleurs reproduite et saluée par l'ensemble des participants au meeting dans un document lu au public. Il est demandé dans cet appel solennel, le boycott des produits danois, jusqu'à la présentation des excuses par les plus hautes autorités de ce pays. L'Algérie rejoint ainsi les autres sociétés arabes qui ont pris la même décision. Dans ce même document, l'on dénonce l'amalgame entretenu entre l'Islam et le terrorisme. A ce propos l'on rappelle dans le texte lu au public que «le génocide, la xénophobie, le colonialisme, le fascisme, le nazisme, la bombe d'Hiroshima, Guantanamo ne sont pas le fait des musulmans». Prenant la parole, Boudjerra Soltani, président du MSP, interpelle l'ONU sur la question de l'antisémitisme. Il a affirmé devant une foule surchauffée que les musulmans doivent être traités sur un pied d'égalité que les Juifs. «Nous sommes aussi des sémites», lance-t-il. Il n'est pas normal que les lois sur l'antisémitisme ne s'appliquent qu'à la religion juive. Avec la même verve, Boudjerra Soltani s'est adressé à l'Union européenne qui a eu une attitude très ambiguë sur le sujet, en leur signifiant que les musulmans sont autant démocrates que les Occidentaux et qu'à ce titre, il n'est pas besoin de donner des leçons de liberté d'expression, mais de souligner l'importance du culte au sein de la société humaine. Ce faisant, Soltani en appelle à la solidarité islamique souhaitant une véritable union pour que pareilles situations ne se reproduisent pas dans l'avenir. Quant à Abdelaziz Belkhadem qui a pris part au meeting en compagnie de Abderahmane Chibane et du représentant des hommes de culte et des Zaouïas, il a évoqué les statues boudhistes détruites par les Talibans qui ont fait réagir le monde entier. Ce qui n'est manifestement pas le cas pour ce qui concerne l'image du prophète de l'islam. Belkhadem a vigoureusement condamné toute forme de violence, l'islam est tolérant. Il a conclu en les invitant à balayer d'abord devant leur porte. Les premiers rassemblements ont commencé dès le matin devant l'université des sciences islamiques et économiques d'El Kharouba, à Alger. Le déploiement des forces de police en nombre impressionnant a irrité quelques étudiants qui ont été chargés à coups de pierres. Mais l'atmosphère s'est vite refroidie après l'arrivée des renforts. D'autres tentatives de rassemblement ont eu lieu un peu plus tard à Bachdjarah. Certains jeunes des quartiers ont saisi l'occasion pour s'adonner à la casse. La réaction musclée puis le déploiement des forces de l'ordre sur le côté est d'Alger ont perturbé la circulation routière durant toute la matinée. A Constantine et Oran, on apprend que d'autres rassemblements estudiantins sont envisagés, selon les recoupements de nos correspondants. Il est également question d'une pétition d'hommes du culte et d'intellectuels qui circule à Constantine. Les signataires exigent le boycott des produits manufacturés au Danemark. La pétition sera transmise au président de la République. Des députés proposent une session extraordinaire qui sera consacrée à une journée de protestation. Des parlementaires de Mascara exigent des excuses officielles des autorités danoises ainsi que les sanctions des auteurs des caricatures blasphématoires. Le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs a indiqué hier, à El Khabar, qu'il n'était pas contre le rassemblement auquel a appelé le Mouvement de la société pour la paix (MSP). Sa réponse est plutôt nuancée. Il n'est ni pour ni contre. Mais il se dit contre les rassemblements spontanés, voire «anarchiques» des étudiants «parce que l'Algérie est fatiguée des troubles... nous avons besoin de réflexion», indique-t-il. Il rappelle qu'il y a plus de quatre mois, il avait fait état de ces caricatures au ministre des Affaires étrangères qui a eu, à son tour, des entretiens avec son homologue danois. Mais ce dernier avait évoqué la liberté d'expression comme pour éloigner le spectre de la polémique. La polémique a toutefois éclaté quand les caricatures ont été reproduites par un journal norvégien au mois de janvier dernier. Selon Ghlamallah, l'Algérie compte saisir l'Assemblée générale de l'ONU pour l'amener à adopter une résolution interdisant «l'atteinte aux religions» en classant ces atteintes dans la catégorie des «crimes contre l'humanité». Par ailleurs, des tracts ont circulé hier à Alger appelant la population à manifester sa colère vendredi prochain dans une marche qu'ils veulent grandiose. Notons enfin que les signes de manifestation se sont déroulés sans heurts et sans violence.