Plusieurs centaines de personnes, dont une majorité de jeunes, ont assisté, hier après-midi, au meeting organisé par le MSP à la salle Harcha, à Alger, pour dénoncer les caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL) publiées, dans un premier temps, par un journal danois, puis par plusieurs titres de la presse européenne et mondiale. « We respect all the prophets », lisait-on sur une pancarte portée par deux hommes âgés dans la salle. Derrière eux, des jeunes brûlaient le drapeau américain sous les youyous des femmes installées aux gradins supérieurs. Oussama Ben Laden, Allah Akbar », criaient ces jeunes alors que des jeunes filles voilées immortalisaient le moment avec leurs téléphones portables à appareils photo intégrés. Des encadreurs du service d'ordre veulent empêcher le bûcher. Mais l'enthousiasme des jeunes l'a emporté. Par contre, l'étendard danois connaîtra le même sort sans intervention. Un grand drapeau algérien et un autre, plus petit, palestinien étaient suspendus au-dessus de la tribune où se succédèrent le « chauffeur » de la salle à coups de « La illaha illa Allah, Mohamed Rassoul Allah », ainsi que Abderahmane Chibane, président de l'Association des oulémas algériens, Abdelaziz Belkhadem, patron du FLN, Mohamed Djomâa, cadre du MSP, et enfin, Bouguerra Soltani, leader du MSP. Un représentant de l'Union générale des étudiants libres (UGEL), proche du MSP, a appelé dans son intervention les étudiants européens à ouvrir les voies du dialogue. Des appels au boycott des produits danois sont placardés et criés par les animateurs et la salle. Du public jeune tonnait de temps à autres des « Ulac smah (pas de pardon) » sporadiques. La matinée d'hier, l'UGEL a organisé un sit-in à la Faculté centrale d'Alger en annonçant qu'un ultimatum de quatre jours a été donné au gouvernement danois et au journal incriminé pour demander des excuses officielles, faute de quoi « on va tout faire exploser », lançait un des animateurs du rassemblement étudiant. Les animateurs du sit-in des étudiants, hier matin, ont promis d'organiser des manifestations « hors des barreaux de l'université ». Pari difficile, car le meeting du MSP à la salle Harcha devait, en principe, avoir lieu à la place du 1er Mai, mais selon des sources du parti, les autorités ont refusé d'octroyer une autorisation. Alger-centre, Belcourt et El Madania, notamment, étaient particulièrement quadrillés hier par les forces de police. Les marches sont interdites à Alger depuis juin 2001 et globalement peu tolérées vu l'état d'urgence en vigueur depuis 1992. Des tracts anonymes placardés un peu partout en ville appellent les Algérois à manifester vendredi prochain. Une perspective que tente, peut-être, d'absorber le meeting du MSP d'hier. A Harcha, un représentant de l'association des oulémas a lu une déclaration signée, pour le moment, par 400 imams, cheikhs de zaouïa, prédicateurs exigeant des excuses officielles de la part du gouvernement danois et du journal Jyllands Posten et se réservant le droit de se constituer partie civile pour un procès porté devant une juridiction internationale. « Quand les statues ont été détruites en Afghanistan, quand les sionistes font ce qu'ils font, quand on parle d'antisémitisme, ils font tout un bruit (...). Comment se prévalent-ils d'être des défenseurs de la liberté d'expression tout en ne respectant pas les expressions des autres et leurs croyances ? », a lancé M. Belkhadem. « Ont-ils oublié que même après le 11 septembre, des dizaines de milliers d'Occidentaux se sont reconvertis à l'Islam ? ! », a ajouté le ministre d'Etat, précisant que les « musulmans ne prêchent ni la haine ni la violence ». « l'Inquisition, ce n'était pas nous, les musulmans. Ni l'esclavagisme, ni le colonialisme, ni l'holocauste, ni le fascisme, ni le nazisme, ni les 100 millions de victimes du communisme, ni Hiroshima, ni Guantanamo », a résumé Mohamed Boudjemaâ, chargé de la formation au MSP. « Nous ne sommes ni anges ni démons, mais on ne veut pas être les boucs émissaires des problèmes de ce monde », a-t-il appuyé. Les premiers mots prononcés par Bouguerra Soltani, en burnous couleur terre et écharpe verte comme ses collègues tribuns, sont accueillis par des slogans « Zarqaoui, Zarqaoui ! (chef présumé d'Al Qaïda en Irak) ». « Le Prophète n'a pas besoin de nous pour le protéger. Il a une immunité divine. Ni parlementaire ni diplomatique. Divine. Mais c'est une occasion, pour nous musulmans, de nous unir, pour suivre l'exemple de l'Union européenne : un seul passeport, une seule armée, un seul espace économique », a lancé le leader du MSP, également ministre d'Etat. « Si le journal qui a publié ces caricatures connaissait réellement le Prophète, il n'aurait pas fait cela. C'est le résultat de l'ignorance », a-t-il conclu. Fin du meeting. Dehors, les éléments antiémeutes encadrent l'enthousiasme d'une jeunesse dévalant vers Belcourt aux cris de « Alayha nahiya » des années FIS. Alger retombe dans son soir.