«En 1975, on a compté 48 millions de billets vendus, ce qui représente un peu plus du double de la population que comptait l'Algérie à l'époque». «Si j'étais ministre de la Culture, je donnerais cinq milliards de centimes pour chaque réalisateur voulant faire un film ». Cela ne figure pas sur la liste des rêves de Boudjema Karèche, mais c'est juste une supposition. En parlant argent, l'ancien directeur de la Cinémathèque algérienne sait bien de quoi il parle. Il sait bien que l'argent est la clé de voûte de n'importe quel art et le cinéma n'échappe pas à cette règle. Boudjema Karèche croit dur comme fer que «si l'Etat algérien persiste dans sa politique menée depuis plus de vingt ans, dans quelques années, il ne restera plus rien du septième art algérien. Déjà, en l'espace de quarante ans, nous n'avons réalisé qu'une centaine de films!». A en croire cet «ancien gardien du temple», l'Etat doit intervenir en élaborant une batterie de lois susceptibles de sortir le cinéma algérien de son marasme. «Il faut qu'on baisse la taxe prélevée sur les produits cinématographiques, voire la supprimer carrément pendant un certain temps pour permettre à la production de se revigorer», insiste M. Karèche. Ce dernier n'omet bien sûr pas le rôle que peut jouer le privé. En effet, les opérateurs activant dans le cinéma, à l'instar des producteurs et des distributeurs, sont, actuellement, les seuls acteurs qui peuvent redonner du souffle à notre cinéma. Ceci est une réalité qu'on ne doit renier sous aucun prétexte, d'autant plus que l'Algérie est entrée de plain-pied dans l'économie de marché. Et à l'ère de la mondialisation économique, et surtout culturelle, notre pays doit fournir énormément d'efforts afin de ne pas quitter la sellette. D'où la nécessité d'encourager les opérateurs privés. Ces derniers existent en Algérie, mais ils se somptent sur les doigts d'une seule main. Ils essaient tant bien que mal de mener à bien leur tâche en dépit des moult embûches qu'ils rencontrent sur leur chemin. Ainsi, Karèche, pour illustrer ce fait, cite le dernier film de Clint Eastwood, One Million Dollar Baby. «L'achat des droit d'exploitation de ce film à coûté à Sora production (la boîte qui a importé le film)10 millions de centimes français. Le tirage des trois copies, ça lui a coûté 75 millions de centimes, soit 25 millions pour chaque copie. Et, ce n'est pas tout, en arrivant en Algérie, il a dû payer 56% des droits de douane. C'est inadmissible!» En outre, lorsque le film arrive dans les salles, 50% des recettes engrangées vont à la salle de cinéma et l'autre moitié sera versée au distributeur. Comment ce dernier peut-t-il récupérer l'argent investi dans l'achat du film? Une question, faut-il l'admettre, très censée. Un autre aspect que Boudjema Karèche ne manque jamais l'occasion de citer à chaque fois que l'occasion lui est donnée, c'est bien le sujet des salles de cinéma. «On ne peut parler de cinéma alors qu'à Alger on ne compte que trois salles obscures. Dans cet état de fait, on ne peut également parler de spectateurs, ni de recettes », indique l'invité de l'Expression. «En 1975, on comptait 48 millions de billets vendus, ce qui représente un peu plus du double de la population que comptait l'Algérie à l'époque. Mais en ce temps-là, le cinéma marchait tellement et les gens fréquentaient les salles, ce qui n'est plus le cas à présent», regrette M.Karèche, qui dit ne «jamais rêver d'occuper un jour le poste de ministre de la Culture».