L'opération de dépollution pourrait durer deux années si les pouvoirs publics mettent tous les moyens nécessaires. Le taux de mercure présent dans les eaux de l'oued El Harrach dépasse de 30 fois les normes acceptées mondialement, et les prochaines analyses vont démontrer les éventuels risques sur la baie d'Alger. C'est, malheureusement, le constat établi par des experts de l'Agence japonaise de coopération internationale (Jica). En fait, un programme de formation a déjà été mis en application. Cette initiative est venue du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement. Ce dernier a lancé, avec la collaboration de la Jica, un programme de formation d'une durée de 3 ans et qui a débuté en novembre 2005. Il s'agit notamment de fournir des équipements et des instruments d'analyse au nouveau laboratoire qui va être construit par l'Observatoire national de l'environnement et du développement durable (Onedd) et qui devrait être opérationnel dans une année. Le coût de cette opération, financée par le gouvernement japonais, est de 2 millions de dollars. Les experts japonais précisent, en outre, que la mauvaise qualité de l'eau de l'oued El Harrach dépasse de 400 fois les normes établies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Rappelant que cette forme de pollution est le résultat de l'absence de traitement des déchets industriels et domestiques, les experts ne manquent pas d'observer quecela pourrait déboucher sur une contamination de la mer d'autant que, tout au long de cet oued, il y a des unités industrielles polluantes. Si, jusqu'à présent, vingt unités ont été ciblées pour des prélèvements d'échantillons, il faudrait estimer à 200 unités industrielles celles qui contribuent à la pollution de l'oued El Harrach. D'ailleurs, avec l'aide des gardes-côtes algériens, une équipe algéro-japonaise a prélevé, fin mars dernier, des échantillons d'eau au niveau de la baie d'Alger pour des analyses concernant le taux de méthyl de mercure. L'étude a permis de quantifier la concentration des métaux lourds tels que le mercure, le plomb, le cuivre, le chrome et le zinc dans les affluents des installations industrielles qui rejettent directement dans l'oued. Le choix des unités industrielles comme source de pollution par métaux lourds a été fondé sur les informations fournies par la direction de l'environnement de la wilaya d'Alger, désignant les industries comme génératrices de métaux lourds. La campagne d'échantillonnage a été réalisée au niveau des zones industrielles de Oued Smar, Gué de Constantine, El Mohammadia, El Harrach, Baraki, Dar El Beïda et Baba Ali, en collaboration avec la direction de l'environnement. A quand la dépollution ? Sur les 20 unités industrielles recensées par la direction de l'environnement. 8 déversent dans l'oued d'El Harrach dont Soachlore de Baba Ali, dont l'activité principale est la production de chlore, avec 12 m3/jour comme volume d'eau rejeté. Agenor de Baraki rejette dans cet oued 3 000 m3/jour et son activité est la production de métaux spéciaux. L'origine de la pollution de l'oued El Harrach provient des effluents urbains et industriels. Les métaux lourds prélevés dans les sédiments de fond peuvent avoir des conséquences néfastes pour l'homme et les poissons. L'explication est toute simple, font observer les experts de la Jica : «Le mercure sous la forme organique est très toxique contrairement au mercure inorganique.»Un constat qui lui permettra de formuler quelques recommandations comme celle consistant à engager une étude épidémiologique auprès des travailleurs de ces unités industrielles et des consommateurs de poisson. Pour mieux illustrer le danger, les experts donnent l'exemple de la maladie de Minamata qui s'était déclarée le 21 avril 1956 au Japon. Une maladie dont la cause était la pollution causée par des rejets de déchets toxiques dans la mer et qui avait coûté la vie à 2200 Japonais et plus de 12 000 cas souffrent, jusqu'à aujourd'hui, de cette maladie. Les remèdes de la pollution de l'oued El Harrach résident d'une part, dans la rénovation des installations industrielles qui sont très vétustes par rapport aux évolutions industrielles et, d'autre part, dans l'installation de bassins de décantation ou de stations d'épuration des rejets liquides industriels et urbains. Il est à signaler malheureusement que près de 60% des stations d'épuration sur le territoire national ne sont pas fonctionnelles, et ce, pour des raisons techniques ou financières. Dans certaines villes, les stations de pompage et de dépollution ne sont qu'un vague projet qui date de plusieurs années. La non-concrétisation de ces projets a fait que les autorités se sont rabattues sur des solutions temporaires et, malheureusement, le provisoire devient monnaie courante dans les esprits de nos responsables qui s'illustrent par leur fuite en avant et se cachent derrière des projets fictifs. À titre d'exemple, à défaut de station de dépollution, les pompes ou les stations de relevage rejettent les eaux usées directement dans les oueds sans mesurer les effets sur l'environnement, tels que la contamination des plages propres ainsi que des nappes phréatiques. Mais jusqu'à présent, seule la station d'épuration de Baraki a été remise en fonction. En ce qui concerne la surveillance environnementale, la connaissance des rejets polluants et l'évaluation de la qualité des milieux ne peuvent être acquises par l'intermédiaire d'une seule campagne d'analyse, mais la surveillance et le contrôle doivent être le fait de l'administration chargée de l'environnement, quels que soient les moyens dont elle disposerait. Autre projet qui est actuellement appliqué : la fiscalité environnementale. Ce projet consiste àmettre en place des taxes sur les ordures ménagères, sur le déstockage des déchets industriels et hospitaliers et sur la consommation de carburant. Signalons que le recouvrement annuel de la taxe est fixé entre 500 et 1000 dinars par ménage, et c'est au président de l'APC de fixer le montant de cette taxe. En attendant la concrétisation de ces projets, seules la faune et la flore pourront témoigner de la triste vérité lorsqu'on les trouvera mortes, flottant à la surface des eaux polluées. Les Japonais s'engagent Le représentant de la Jica, M.Akihiko Yahaka, estime que la dépollution de l'oued El Harrach peut durer deux années si les pouvoirs publics prennent plus au sérieux le problème et mettent tous les moyens nécessaires. «Le traitement des eaux de l'oued El Harrach est possible si le gouvernement algérien fait une requête au gouvernement japonais par l'intermédiaire du ministère de l'Environnement afin d'inviter des experts japonais pour la dépollution de cet oued», nous a-t-il déclaré. Il a insisté sur le fait qu'il y a un grand espoir de dépolluer l'oued. Il faut avant tout, selon lui, déterminer les pollueurs. Il nous a donné l'exemple de la rivière Smida à Tokyo, qui était totalement polluée par des déchets industriels et qui a été dépolluée en une période de deux années. A en croire les propos du représentant du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, M.Bensbaini, le département de Cheref Rahmani est en pourparlers avec les Japonais pour solliciter leur expertise dans le traitement des rejets liquides et solides qui se font au niveau de tout le bassin par les déchets industriels. Il nous a affirmé, en outre, qu'un plan d'action a été lancé pour identifier les pollueurs et éradiquer les nuisances qu'ils provoquent sur l'oued tout en reconnaissant la difficulté de mesurer l'ampleur du danger. «Depuis un moment, une action a été initiée par le gouvernement entre les secteurs de l'hydraulique, de l'industrie et de l'environnement pour le traitement de l'ensemble du bassin versant». Selon lui, pour l'instant, un travail se fait au niveau de chacune des usines pour une possibilité de mettre en place des mécanismes afin éviter ces rejets dangereux. La direction de l'environnement doit accentuer le contrôle et chaque usine est appelée à renouveler ses équipements. Le représentant du ministère estime que dans le cas contraire, il est impératif d'encourager les gens à la délocalisation des usines. Le ministère de l'Environnement a élaboré, pour sa part, un programme visant à réduire la pollution au niveau de l'oued El Harrach, avec la coopération internationale de la Jica sur les déchets solides urbains, les déchets liquides, ainsi que les différents composants chimiques nuisibles à la santé et à l'environnement. Par ailleurs, un laboratoire régional du Centre sera réalisé dans la ville nouvelle de Bouinan (Blida), dans le cadre de cette coopération, et ce, dans le but de renforcer le réseau de surveillance de l'environnement et de permettre à l'Onedd d'assurer ses missions de surveillance des milieux naturels. La commune d'El Harrach mériterait sans nul doute un peu plus d'attention de la part des autorités publiques et des citoyens. Les eaux usées déversées dans l'oued dégageant une odeur nauséabonde demeurent l'une des plus grandes catastrophes écologiques. En somme, elles constituent une véritable bombe à retardement. La pollution gagne du terrain. Théoriquement, la législation protège l'environnement, cependant la réalité est tout autre. Les textes de loi restent inappliqués, puisque sur le terrain rien n'est respecté. Les rejets de déchets émanant des zones industrielles se déversent directement dans cet oued. Cette eau se meurt dans la nature et porte un sacré coup à l'environnement sans que cette situation suscite une prise de conscience sur les effets secondaires qu'elle peut provoquer sur la faune et la flore. Nombreuses sont les familles qui habitent la commune d'El Harrach. Dans certains cas, le simple contact cutané ou respiratoire, peut devenir une voie d'exposition au danger, comme ce fut le cas à Mostaganem à l'usine de papier appelée auparavant Sodéjia, dans le quartier de Salamandre, où plusieurs personnes ont été contaminées par les produits chimiques, notamment le chlore, déversé par l'usine dans la mer. Cette usine a été fermée suite à cette affaire. Notons, en outre, que certains polluants chimiques, parasites et toxines naturelles peuvent également constituer un danger pour la santé. Ainsi, chaque année, plusieurs maladies, telles les infections cutanées et les maladies respiratoires comme l'asthme sont recensées dans cette commune. Outre les eaux d'égout, les principales sources de contamination sont les effluents industriels et les rejets urbains des eaux pluviales.