La liste du gouvernement était très attendue par les Algériens. Il faut dire que rares les fois où la formation d'un gouvernement a autant tenu en haleine le pays. Les raisons de cet engouement pour un nouvel Exécutif sont à chercher, bien entendu, dans la conjoncture particulière que traverse l'Algérie, à cheval entre une phase finissante et une nouvelle incarnée par le premier gouvernement de l'ère Tebboune. C'est dire que le président de la République se devait de ne pas décevoir les Algériens, tout en veillant à garantir un maximum de chances de réaliser son programme par un gouvernement alliant jeunesse, expérience, innovation et crédibilité. L'équation n'était pas simple à résoudre, mais le président de la République a tenté un mix générationnel et professionnel. L'alchimie que voudrait sans doute réussir le chef de l'Etat sera de convaincre les Algériens de la nécessité de la continuité dans certains portefeuilles importants. Les finances, la justice et l'intérieur semblent constituer dans l'approche de Tebboune des secteurs, dont on ne peut pas «oser» des «révolutions» dans les circonstances qui sont celles de l'Algérie présentement. La stabilité est le maître-mot et il faut absolument s'en tenir, d'autant que l'immense chantier politique qui sera ouvert dès dimanche prochain, à l'occasion du premier Conseil des ministres de l'ère Tebboune, recommande d'éviter toute «mauvaise surprise». Le profil technocrate des ministres déjà en poste facilitera grandement l'avancée du dossier du dialogue. Mais si cette approche «prudente» du président peut décevoir certains, il y a lieu de signaler la vision innovante dans la confection de la liste des ministres. On en veut pour preuve, l'adossement à des ministères traditionnels des secrétariats d'Etat et des ministères délégués. La nouveauté est justement dans les missions confiées à ces nouvelles structures gouvernementales, l'Industrie cinématographique, l'incubateur d'entreprise, la start-up et même l'environnement saharien, doté d'un ministère délégué, témoignent d'une approche novatrice. Il est clair qu'à côté des missions traditionnelles de tout Etat, le président de la République a mis le doigt sur des secteurs, jusque-là ignorées ou «calés» dans des services de ministère pour les élever à un rang très visible par les Algériens. Il reste bien entendu à ce que les ministres du premier gouvernement de l'ère Tebboune montrent des compétences et un savoir-faire, à même de sortir leurs missions du papier pour en faire des réalités quotidiennes créatrices de valeur ajoutée et d'emplois. Le challenge du président de la République est certes prioritairement politique, mais à la lecture de la composante du gouvernement Djerad, il y a aussi une réelle volonté d'ouvrir de nouvelles pistes, d'aller sur des territoires, jusque-là ignorés par les équipes précédentes. Le deal que le président de la République veut faire avec les Algériens tient dans le style qu'il veut imprimer dans la gouvernance des affaires publiques. L'impression que dégage le premier gouvernement de l'ère Tebboune est qu'il s'empresse de s'ouvrir de nouveaux horizons, sans s'éloigner des fondamentaux de la gestion de l'Etat. En somme, il y a une sorte de mélange de genres, mais subtilement dosé pour éviter toute démarche populiste ou simplement démagogique. La promotion de la nouvelle génération ne se fera donc pas dans l'aventurisme, mais très encadrée par l'expertise de nombreux anciens ministres. Dans cette nouvelle équipe mise en place, le seul risque que prend Abdelmadjid Tebboune serait d'être incompris dans sa démarche et ses intentions. Mais c'est là un risque très largement calculé, en ce sens qu'en matière de communication, il fait confiance à deux journalistes de métier à la présidence de la République et au gouvernement. Belaïd Mohand Oussaïd et Ammar Belhimer, respectivement porte-parole de la Présidence et du gouvernement auront la mission d'expliquer aux Algériens une démarche qui repose sur le pragmatisme, l'expertise, l'expérience, l'innovation et la compétence. Ce ne sera pas aisé, mais à voir l'architecture de l'Exécutif, les deux hommes disposent d'assez d'éléments pour réussir leur mission, à condition bien entendu, que les nouveaux visages de l'Exécutif démontrent un savoir-faire à la hauteur des espoirs placés en eux.