Dans un rapport critique qui doit être publié mercredi, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles, a estimé qu'il existe, en France, «un fossé qui peut s'avérer très large entre les textes et les pratiques» observé dans de multiples domaines, notamment les secteurs de l'emploi, du logement, de la justice etc. Dans ce rapport, M.Gil-Robles écrit que «la France ne se donne pas toujours les moyens suffisants pour mettre en oeuvre un arsenal juridique relativement complet, qui offre un haut niveau de protection en matière de droits de l'Homme». «Il semble ainsi exister, dans certains domaines, un fossé qui peut s'avérer très large entre ce qu'annoncent les textes et la pratique», souligne ledit rapport, rédigé à la suite d'une visite en France du commissaire en septembre 2005. La France qui se targue volontiers d'être la patrie des droits de l'Homme «n'en reste pas moins traversée par des difficultés persistantes, voire récurrentes, ainsi que l'illustre le nombre d'affaires portées devant la Cour européenne des droits de l'Homme», estime M.Gil-Robles. Le document pointe, notamment, le rôle «très limité» de l'avocat lors des gardes à vue, la surpopulation dans les prisons, l'augmentation des brutalités policières depuis 2000, la restriction du droit d'asile pour les étrangers, une répression qui reste «faible» contre les actes racistes et antisémites, un droit dérogatoire et «discriminatoire» à l'encontre de certaines catégories d'immigrés et des «gens du voyage». Il s'inquiète également de la diminution sélective des financements publics des ONG, une baisse qui pèse sur leurs actions en faveur des plus démunis. Dans ce cas d'espèce, c'est «tout un pan de l'action en faveur de la lutte pour le respect des droits de l'Homme qui s'en trouve remis en question», souligne le rapport. Le texte comporte, en conclusion, une cinquantaine de propositions à même de renverser la tendance mais il n'est pas dit qu'il sera pris en considération par le gouvernement français. Ce document de près de 200 pages qui se fonde sur les résultats de la visite de sept prisons et de cinq commissariats de police n'est pas en effet de nature contraignante et il apporte simplement un éclairage intéressant sur une modeste facette des nombreux domaines où les inégalités et la discrimination sont des plus criardes. Si l'on considère le projet de loi sur l'immigration présenté jeudi dernier par le ministre de l' Intérieur, Nicolas Sarkozy, au gouvernement qui l'a aussitôt approuvé, on peut dire que les droits de l'Homme ne sont pas prêts de connaître une quelconque amélioration, loin s'en faut. Chacun sait que les mesures, déjà passablement draconiennes, des conditions d'entrée et de séjour en France vont être considérablement durcies afin de permettre, selon les explications du législateur, une immigration sélectionnée. Tel est en principe le but du nouveau dispositif qui prétend séparer le bon grain de l'ivraie mais qui dote, en fait, l'administration de pouvoirs discrétionnaires accrus dont on peut appréhender une utilisation coercitive.