Sa tête est mise à prix et son fichier reste très peu connu des enquêteurs. Le nom qui ressort le plus dans les rapports de la CIA concernant la nébuleuse Al Qaîda est sans conteste celui de Haroun Fadel, plus connu dans les milieux islamistes djihadistes sous le nom de guerre de «Abou Youssouf Al Soudani». La presse américaine spécialisée le donne comme un activiste intrépide qui a activé un peu partout dans la vaste «toile d'araignée» tissée par l'organisation et activerait aujourd'hui en Afrique de l'Est, spécialement au Soudan, en Erythrée et en Somalie. Ce nom, qui ressort épisodiquement depuis 1998, renseigne bien sur les difficultés qu'éprouve Washington pour venir à bout des principales têtes d'Al Qaîda, car hormis Abou El Faradj El Libye, Ibn El Chibah, Abou Zoubeïda, arrêtés, et Abou Hafs El Misri, tué à Tora-Bora, il n'y a pas eu des arrestations notoires, et après quatre années de «total war» et deux miniguerres menées en Irak et en Afghanistan, ni Oussama Ben Laden, ni Ayman Al Zawahiri, ni le mollah Omar n'ont été capturés. Le «Ben Laden africain» s'appelle Haroun Fadel Abdellah Mohamed. Il est né aux îles Comores, a vécu au Kenya et a fait plusieurs fois des incursions au Soudan, d'où il tire son sobriquet. La première fois qu'il avait été cité par la presse occidentale remonte à 1998, au lendemain des attentats contre les ambassades américaines à Dar Es Salam, en Tanzanie et à Naïrobi, au Kenya, et qui ont fait près de 300 morts et 800 blessés. Les enquêteurs américains l'avaient, à l'époque, cité dans les deux attentats et crédité d'être l'un des cerveaux qui ont mené à terme le plan de faire exploser les deux ambassades. Un site Internet spécialisé précise qu'il s'agit d'un chef actif pour le compte d'Al Qaîda depuis le milieu des années 90, et le qualifie de «très intelligent, cultivé, connaisseur en matière d'explosifs, possédant des dons pour se fondre au milieu des masses laïques et circulant avec plusieurs pièces d'identité falsifiées». La CIA dit aussi que Haroun Fadel est aux commandes des cellules d'Al Qaîda qui activent en Somalie, en Ethiopie, en Erythrée, en Tanzanie et au Yémen, et que ses groupes comptent à ce jour s'attaquer, à chaque fois que l'occasion se présente, aux intérêts américains et occidentaux dans la région, mais aussi à leurs intérêts disposés dans les îles de l'océan Indien (la France et la Grande-Bretagne sont de ce fait les plus exposées, ayant le plus de ressources vitales dans la région de l'océan Indien). Les autorités judiciaires avaient lancé un mandat d'arrêt contre lui le 17 septembre 1998 aux chefs d'accusation d'attentats terroristes contre les deux ambassades américaines de Naïrobi et de Dar Es Salam, perpétrés le 7 août de la même année. Il a été accusé aussi d'assassinats et de menaces d'assassinat contre des ressortissants américains, destruction de biens publiques et complot contre la sécurité des Etats-Unis. Le spécialiste égyptien des groupes armés, Diaâ Rachwane, dans un entretien donné au journal électronique Al Aârabiya.Net, estime qu'il s'agit d'un personnage assez peu connu dans la nébuleuse Al Qaîda, et que «si tout ce qui se dit à son sujet est juste, alors il faudrait que les services spéciaux américains démissionnent de leur poste, au vu de son parcours et des opportunités de mettre la main sur lui». Concernant la présence d'Al Qaîda en Afrique de l'Est, Diaâ Rachwane estime qu'elle est antérieure à 1998 et aux attaques anti-américaines au Kenya et en Tanzanie, qui sont en fait un «couronnement» à cette présence active dans la région. Rachwane cite encore deux autres attentats perpétrés, dont la célèbre attaque manquée et qui a visé, au lance-missile, un avion israélien. Il précise aussi que «la région pullule d'agents de renseignements américains et israéliens». «A cet égard, il serait tout à fait incorrect de lui prêter plus de pouvoir qu'il n'en a réellement (...) et la capture d'Abou El Faradj El Libye, par exemple, a démontré qu'il s'agissait d'un personnage secondaire et pas aussi important qu'on ne l'avait cru auparavant», souligne Diaâ Rachwane qui observe que «l'amplification de ce nom peut être synonyme de quelque chose qui se prépare dans la région». Est-ce que Haroun Fadel est aussi imposant qu'on le dit, ou s'agit-il d'une nouvelle création dont l'objectif reste à découvrir? L'épouvantail fait déjà parler de lui et on ne sait pas s'il peut représenter une menace réelle pour les intérêts américains ou s'il constitue uniquement un cas type d'une stratégie entrant dans le chapitre création et gestion des crises. Actuellement, Washington «dispose» de plusieurs «méga-terroristes» en la personne d'Oussama Ben Laden, d'Aymane El Zawahiri, du mollah Omar, de Chamil Bassaëv et d'Abou Mossaâb Al Zarkaoui. Les trois premiers justifient la présence américaine en Afghanistan, le quatrième justifie le maintien des troupes US en Irak, le cinquième donne carte blanche à Moscou pour faire une guerre régionale contre l'insurrection tchétchène en même temps qu'il met Poutine au même niveau que Bush dans une vision moderne de la codification des conflits et de l'exégèse des superpuissants. Alors, Haroun Fadel, terroriste exterminateur ou monstre créé? Jeu des organisations ou allié des OBL contre la coalition judéo-croisée? Stratégie des puissances ou menace réelle? Autant de questions auxquelles le temps, et le temps seul, répondra.