Le débat, qui agite aujourd'hui les groupes djihadistes au plan mondial, s'oriente vers le combat des régimes locaux et des grandes puissances qui les appuient. Dans le vaste monde arabo-musulman, la Jamaâ islamiya égyptienne fait l'exception. Grâce aux débats intenses menés par ses principaux leaders, comme Karam Zohdi, Abboud Zomor et Nadjeh Ibrahim, le groupe qui avait assassiné Sadate en 1981, a définitivement mis fin à la violence armée au nom de l'islam pour s'amarrer à un travail légaliste et constitutionnel, au grand bonheur des autorités du Caire. Cela semble l'exception, car tous les autres groupes djihadistes se sont résolument réclamés d'un djihad transnational qui s'attaquerait en même temps à la «coalition» judéo-chrétienne, constituée principalement des Etats-Unis et d'Israël, et aux régimes arabes, considérés comme «première cible». C'est certainement dans ce sillage qu'il faut placer les tendances actuelles du Groupe salafite pour la prédication et le combat (Gspc), qui, malgré toutes les garanties données par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, n'arrive pas à se décider à déposer les armes. Guerre d'usure, sans objectifs politiques clairs ni buts immédiats tracés et à définir, le combat du Gspc semble inscrit dans une logique hiératique de djihad, style Al Qaîda, comme on peut en trouver en Tchétchénie, en Afghanistan, en Irak et ailleurs. Depuis la guerre lancée en 1997 par le «Front mondial contre les Juifs et les Croisés», le djihad islamiste a pris un orientation très spéciale avec le double ciblage des régimes locaux, considérés comme «al-adou'al-karib», et les forces américaines et israéliennes, considérées comme la source du malaise arabe, et, à un degré moindre, contre la Russie, pour son implication contre la guérilla islamiste des Républiques musulmanes de l'ex-URSS. Concernant le Gspc algérien, et même si la relation d'allégeance avec Al Qaîda n'a jamais été clairement établie (voir Rapport 2005 du département américain), il n'en reste pas moins que les derniers enregistrements, deux de Ben Laden et Ayman Zawahri, et un d'Abou Mossaâb Zarkaoui, datés d'avant sa mort, définissent sans équivoque, les liens qui les lient au plan idéologique, structurel et organisationnel. Dans un premier enregistrement, dont on a pu écouter quelques extraits, Oussama Ben Laden fait l'éloge du djihad lancé contre les Etats-Unis et les «forces du mal» et encense certains groupes djihadites, dont le Gspc. Ayman Zawahri, qui avait été mis à mal il y a quelques jours, par ses anciens compagnons de la Jamaâ islamiya, fait aussi les louanges des frères djihadistes d'Algérie et fait un éloge appuyé d'Al Qaîda. Abou Mossaâb Zarkaoui, lui, cite nommément, dans un enregistrement datant de peu avant sa mort, «le frère Abou Mossaâb Abdelouadoud» et renseigne sur les liens qui soudent toutes les organisations djihadistes actuels et la stratégie qui les unit. Pour le Gspc, il s'agit désormais de mener «une guerre sans fin», car le djihad qu'il a choisi fera encore des dégâts sur le long terme, un peu comme dans une guerre «à l'irlandaise», sans qu'il soit possible, pour autant, de négocier politiquement avec des meneurs qui ont choisi un terrain résolument et absolument hiératique. Voilà où se pose actuellement le Gspc, qui semble plus à l'écoute d'Al Qaîda pour prendre des décisions qui s'imbriquent désormais dans une «guerre sacrée» transnationale, et non plus de type local. Les incursions menées par ses troupes au Mali, puis en Mauritanie ensuite, renseignent sur la stratégie peu visible, parce que possédant des moyens limités, mais facilement «décodable» du groupe salafiste pour la prédication et le combat. Après avoir fait une sorte d'OPA sur tous les groupe armés à l'est et à l'ouest du pays, le Sud étant acquis depuis 1989, le Gspc cherche à se restructurer et à se donner les moyens de tenir le plus longtemps possible, dans une guerre de laquelle il ne veut pas sortir pour le moment. L'un des artisans de cette nouvelle orientation s'appelle Abdelmalek Deronkdel, pieux, connu sous son nom de guerre «Abou Mossaâb Abdelouadoud». Agé de trente ans, originaire de Meftah et spécialiste en explosifs, il a, dès son ascension à la tête de l'organisation, opté pour une guerre de longue haleine et une stratégie de communication qui ferait sortir le Gspc de l'anonymat.