Le Haut représentant de la politique extérieure de l'Union européenne, Javier Solana, a entamé un périple dans le monde arabe par la rencontre, à Djeddah, avec le secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), Ekmeledin Ihsanoglu. Ce choix n'est pas innocent, l'UE ayant affirmé sa solidarité pleine entière avec le Danemark depuis le début de la déplorable affaire des caricatures et s'arc-boutant au sacro-saint principe du respect de la liberté d'expression. En s'adressant à l'OCI qui est la deuxième organisation mondiale après l'ONU si l'on tient seulement compte du nombre de pays membres 57, soit la quasi-totalité du monde islamique — Javier Solana a frappé à la meilleure porte qui se puisse trouver pour un dénouement rapide de la crise, d'autant que l'organisation de Djeddah a été en pointe de la protestation depuis la reprise des caricatures danoises par un journal norvégien, le 10 janvier dernier. L'exigence de l'OCI fonde la revendication que devront développer l'ensemble des gouvernements arabo-musulmans dans les semaines et dans les mois qui viennent, afin de protéger la religion islamique des atteintes et des agressions qui vont avoir tendance à se multiplier si l'on prend en considération le climat islamophobe de plus en plus affiché en Europe et dans le monde occidental, en général. 1- Le Parlement européen, eu égard à l'affaire des caricatures danoises, devrait «voter des lois contraignantes contre l'islamophobie». 2- L'UE et l'OCI soutiendront «une résolution présentée à l'ONU qui s'inspirerait des résolutions existantes» pour combattre la diffamation des religions. 3- Un «code de conduite pour les médias européens» devra être adopté afin de prendre en compte les sensibilités des musulmans. 4- L'ONU doit adopter un «Code de communication international» dans lequel seront définies les limites de la liberté d'expression, notamment en matière de symboles religieux. L'UE est encore loin d'adhérer à un tel programme mais elle travaille à faire porter par le Danemark, pays par qui le scandale est arrivé, un ensemble de mesures, sorte de récapitulatif des règles, conventions et résolutions déjà existantes au plan international, pour combattre les atteintes à la religion. Ce n'est pas la panacée mais l'intention est malgré tout louable. Au moment où le débat atteint une dimension de vérité que ne prévoyaient ni les gouvernements européens ni les dirigeants arabes et musulmans, souvent dépassés par la réaction passionnelle de la rue, il convient de s'interroger, sereinement, et de manière responsable, sur tout ce qui doit être entrepris pour soustraire à la haine bête et méchante les symboles les plus sacrés de l' islam que sont le saint Coran et le prophète Mohamed (Qsssl). En Algérie, l'émotion a été aussi intense que générale. A la lumière de cet événement qui met cruellement en relief l'absence d'une politique offensive de défense et d'explication de l'Islam, Abderrahmane Chibane, président de l'Association des Oulémas, invité de L'Expression dans un débat «A coeur ouvert», a dressé un réquisitoire soft de la gestion par presque tous les gouvernements arabes de l'intelligentsia islamiste modérée qui a subi, dit-il, la persécution au point de s'étioler, laissant place, parce que la nature a horreur du vide, à tous les extrémismes, plus ou moins drapés dans les oripeaux, parfois sanglants, de la religion. C'est un message sans doute discutable, peut-être même réfutable, mais c'est un message qui mérite, à tout le moins, d'être pris en considération.