Il a animé une conférence-débat sur le métier d'avocat et la passion de défendre. Sur invitation du conseil de l'Ordre des avocats d'Oran, Me Jacques Vergès était, hier, dans la capitale de l'Ouest où il a animé une conférence-débat sur le métier d'avocat et la passion de défendre. Magistrats, bâtonniers des régions ouest du pays, avocats du barreau d'Oran, universitaires et anciens moudjahidine connus à Oran, ont pratiquement rempli les quelque 600 places de la salle des Banquets de l'hôtel Sheraton. Le célèbre «avocat des causes extrêmes» a exposé, une heure durant, les principales étapes de son riche parcours d'homme de droit, de défenseur des libertés des peuples et d'avocat ayant épousé la cause du FLN algérien dans sa lutte pour l'indépendance du pays. Me Vergès, qui fut membre du collectif des cinq avocats pour la défense de plusieurs héros de la guerre de Libération nationale, dont Djamila Bouhired, Yassef Sadi et Zohra Drif, a expliqué pourquoi et comment, à l'époque, il a été «pris de passion» pour la cause algérienne. «Un coup de foudre», dira-t-il qui ne s'est jamais éteint. C'est lors du procès des «poseuses de bombes» que l'ancien avocat du FLN a compris la nécessité de rompre avec les schémas classiques de défense pour s'engager dans une démarche «offensive» devant «transformer l'accusateur en accusé». Cette «défense de rupture», a indiqué Me Vergès, s'est avérée efficace car elle a permis, d'une part, de «populariser» et de faire connaître à l'opinion internationale la légitimité de la cause algérienne, et d'autre part, de faire «plus d'économie en vies humaines». Aucun des condamnés à mort défendus par Vergès n'aura été exécuté. Dans une conjoncture où de nombreuses voix colonialistes célèbres «demandaient la mise à mort des terroristes...», il fallait, a expliqué Me Vergès, imposer le dialogue et démontrer à l'opinion mondiale «qu'il s'agit de résistants et de combattants pour la liberté et la dignité de leur peuple...». «Chaque procès est un drame, une tragédie, un roman... où l'avocat est à la fois co-écrivain et acteur. Mais contrairement au roman qui se termine toujours comme le veut l'auteur, un procès ne s'achève jamais comme le veulent les initiateurs... c'est en ce sens un lieu de création et de métamorphose...» Vergès ne pouvait mieux exprimer toute la passion de l'avocat pour son métier. Abordant le procès de Saddam Hussein, Me Vergès n'a pas caché un certain regret d'avoir été contraint de «se mettre en retrait» suite à des divergences entre les membres du premier collectif sollicité par la fille de Saddam. Dans ce procès, explique Jacques Vergès, le vrai débat politique n'a malheureusement pas été porté à l'extérieur, les «accusateurs», dont les Etats-Unis et l'Europe, n'ont pas été placés devant leurs responsabilités historiques... «Ils connaissaient pourtant tous, grâce à leurs ambassades, et faisaient même l'éloge de ce dirigeant qui fera beaucoup de chemin, disaient certains, il y a déjà plus de vingt ans... Par ailleurs, qui lui a fourni les armes, la chimie ou les virus?» Autant d'axes de plaidoiries qui illustrent la réputation de Jacques Vergès pour la défense des «causes dites impossibles» et «de ceux que personne n'ose défendre». Le fervent défenseur du Front de libération nationale a été longuement ovationné à Oran par ceux qui le connaissent et ceux qui le découvrent. «Mercenaire du droit» pour certains adeptes de l'ordre colonial et ses dérivés, «dissident absolu» au service des causes justes, pour la majorité des peuples opprimés, Me Vergès reste une référence pédagogique certaine en matière de justice et de droit à la défense.