Plusieurs considérations entrent dans ce bras de fer tutelle-syndicats. Au second jour de grève dans l'éducation nationale, la mobilisation était, hier, encore au rendez-vous. A en croire des syndicalistes, joints par téléphone, le débrayage a été plus suivi que le premier jour. «Le taux de suivi est meilleur aujourd'hui. Car même ceux qui n'étaient pas dans le mouvement l'ont rejoint», confirme M.Lemdani, chargé de l'information au Cnapest. Le ministère, de son côté, contredit les propos des syndicalistes en avançant le chiffre de 24% de suivi de la grève, sensiblement égal à celui annoncé avant-hier. Le constat, qu'on peut tirer de ces déclarations divergentes, est que les deux protagonistes se sont engagés dans un bras de fer annonciateur d'une nouvelle crise au sein de l'éducation nationale. Ainsi, «la guerre» entre la tutelle et les syndicats va se livrer sur plusieurs fronts, notamment celui de l'agrément des organisations syndicales. L'un des motifs importants du mouvement que connaît actuellement la famille de l'éducation. En effet, les syndicats, qui réclament l'ouverture d'un dialogue avec le ministère, ne peuvent objectivement prétendre se positionner comme interlocuteurs, tant qu'ils ne sont pas reconnus juridiquement. C'est, d'ailleurs, cette absence de «légitimité» juridique qui empêche l'ouverture du dialogue avec le ministère, apprend-on de sources proches de la tutelle. Un argument que les syndicalistes assimilent à une non-reconnaissance d'un mouvement, «pourtant représentatif». Ils s'attachent à la loi 90-02. Laquelle ouvre, selon eux, le droit au travail syndical. «Les articles 14 jusqu'à l'article 20 de la loi 90-02 obligent la tutelle à ouvrir les portes du dialogue, lorsque les délégués du mouvement représentent au minimum 20% de la base, et ce, même si les délégués ne sont pas enregistrés», soutiennent les syndicalistes. En se référant à ces articles et aussi au chiffre avancé par le ministère, (24% de suivi de la grève), nos interlocuteurs relèvent que le département de Benbouzid «est obligé de dialoguer». Un simple calcul arithmétique qui ne renseigne pas sur le poids réel de l'intersyndicale, car, insiste-on au ministère, un taux de participation à une grève et une véritable base syndicale sont deux choses différentes. La confusion entretenue par certains syndicalistes est, soutiennent nos sources au ministère, «battue en brèche par une décision de justice qui a jugé ce mouvement illégal». Une autre manière de dire qu' «il n'est pas question de «peser» le poids d'un syndicat sur la base d'une action décrétée illégale par une institution de la République». Dans cette bataille juridique syndicats-tutelle, l'intersyndicale réplique:«Si vraiment la grève constitue une menace sur le droit à l'enseignement, le législateur ne l'aurait pas accordée. Car la grève est aussi un droit garanti par la Constitution». Dans ce sens, M.Boukhetta du CLA interpelle le président de la République à intervenir pour le respect la loi. «La tutelle a violé les textes de loi. Nous demandons à ce que le président Bouteflika intervienne, pas seulement pour régler le problème, mais pour protéger la loi violée par le ministère de l'Education», déclare-t-il. Pour les syndicats, en fait, «le suivi massif du mot d'ordre » est un motif suffisant pour justifier leur crédibilité. «Notre seul agrément est la base», estiment-ils. Par ailleurs, ce bras de fer risque d'engendrer des conséquences néfastes sur l'avenir des élèves. Car cette situation est une menace pour leur scolarité. Ils sont, d'ailleurs, les premières victimes de cette «guerre des chiffres». Ces derniers se sont montrés un peu inquiets pour leur avenir. «Nous suivons des cours supplémentaires avec notre propre argent. Avec cette grève, nos cours supplémentaires n'auront servi à rien», a lancé Sabrina une élève de terminale. Les parents qui ont leurs enfants dans les établissements publics partagent l'inquiétude des élèves. «Les conditions de vie des enseignants sont un peu déplorables, et leurs revendications sont dans leur majorité légitimes», estime un parent, mais «la grève n'est pas la solution», insiste-t-il.