L'association Issegh a rendu hommage au grand homme. La maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou en collaboration avec l'association Issegh de Souama, a organisé les 22 et 23 février un colloque sur la vie et l'oeuvre de Amar Saïd Boulifa, le précurseur de la quête identitaire. Rendre hommage à Boulifa c'est rendre hommage à la culture ancestrale du pays et c'est également renouer avec les racines. Si Amar Ben Saïd Boulifa serait né en 1861 au village d'Adeni dans l'actuelle commune d'Irdjen, daïra de Larbaâ Nath Irathen. Sa famille les At Belkacem U Amar est de souche maraboutique donc Si Amar a baigné tôt dans la sphère culturelle. Une sphère certes traditionnelle mais avantageuse tout de même par rapport à la société de l'époque. Si Amar, qui est orphelin de père assez tôt, a fréquenté l'école coranique de son village avant de s'inscrire à l'école française ouverte dans sa région en 1875. Si Amar obtient un certificat d'aptitude aux travaux manuels et un diplôme d'enseignement en langue française ce qui le dirige vers la carrière d'instituteur. Pour l'époque, le jeune indigène qu'était Si Amar, ne pouvait espérer plus ! Engagé comme moniteur dans l'école même où il était élève, Si Amar est nommé en 1896 après avoir accompli un stage de formation à l'école normale de Bouzaréah. Vers 1890, il devient répétiteur de berbère à l'école normale puis à la faculté des lettres d'Alger. Selon l'association Issegh et le HCA, «Si Amar Boulifa a enseigné jusqu'en 1929, année où il se met en position de retraite. Il meurt à l'hôpital Mustapha des suites d'une néoplasie de l'intestin le 8 juin 1931.» Boulifa a édité en 1897 deux ouvrages restés longtemps comme référence dans l'enseignement : Première année de langue kabyle et Méthode de langue kabyle (cours de 2e année). Boulifa s'est consacré sa vie durant à la recherche aussi bien dans la langue que dans les disciplines aussi diverses comme l'histoire, la littérature orale, la lexicographie, l'archéologie et la sociologie. Selon le Dr Saïd Chemakh, spécialiste de berbère et enseignant au département de Tamazight à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou: «Boulifa est le premier intellectuel issu du terroir qui a posé un regard interne sur la culture et à rompre avec le savoir colonial. Un savoir qui prédominait à l'époque. Boulifa a ainsi apporté la contradiction scientifique aux visions des missionnaires et autres militaires. Boulifa a également côtoyé Si Muhend», et a eu cette chance de recueillir les poèmes du grand aède kabyle. Il a de même réfléchi sur le fait que la région a échappé à la pénétration des envahisseurs turcs par exemple. Il n'y a qu'à feuilleter son ouvrage Le Djurdjura à travers l'histoire pour s'en rendre compte. Boulifa, le précurseur de la quête identitaire, est aujourd'hui grâce à ce genre de colloque exhumé de l'oubli. Aujourd'hui, hélas, mis à part les universitaires spécialistes du domaine, nos jeunes gens en particulier ne connaissent presque rien de nos grands hommes de lettres. Si Amar, Ccix Muhend, Belaïd At Ali et tant d'autres sont hélas oubliés alors que les « abou » quelque chose ont tenu le haut du pavé.