L'énorme facture de la tragédie nationale peut, à moyen terme, freiner le développement. Les projets de décrets présidentiels relatifs aux indemnisations des familles des victimes de la tragédie nationale, rendus publics, englobent trois catégories: les victimes du terrorisme sous la définition classique, les disparus et les proches des terroristes. L'aide octroyée par l'Etat aux «membres des familles éprouvées par l'implication d'un de leurs membres dans les faits liés à la tragédie nationale», prévoit deux formes d'indemnisation. Si le concerné est mineur, ses ayants droit bénéficient d'une aide d'un montant de 100 fois 10.000 DA. S'il est majeur, les proches obtiennent une aide de l'Etat de 120 fois 10.000 dinars. S'il est mort après l'âge de 50 ans, ils bénéficient d'un capital d'un montant de 120 fois 10.000 DA. Ses proches devront bien évidemment constituer un dossier complet spécifié dans l'article 14 qui devra être présenté au représentant local du ministre de la Solidarité nationale. Le second décret concerne les victimes militaires, fonctionnaires ou agents publics. Les dossiers seront établis sur la base de rapports du ministère de la Défense nationale pour les militaires ou assimilés, l'employeur de la victime ou la direction générale de la sûreté nationale pour les autres. Leurs ayants droit bénéficient d'une mensualité de 16.000 DA, en sus des allocations familiales. Le salaire est soumis aux cotisations de la sécurité sociale, selon la loi en vigueur. Il est versé par la caisse d'indemnisation des victimes du terrorisme, sur la base du décret 47-99 du 13/02/1999. Il y a la formule du montant global qui équivaut à 120 fois 16.000 DA pour les ayants droit. Les ayants droit des victimes qui étaient en âge de retraite seront payés par la caisse des retraites pour un montant supérieur ou égal à 100 fois 10.000 DA; le Trésor public compensera ces montants auprès de la caisse des retraites. Les familles des disparus bénéficient des mêmes indemnisations suivant les modalités propres aux victimes du terrorisme, après constitution du dossier. Par conséquent, il y a quatre types de victimes de la tragédie nationale. Les victimes du terrorisme ont déjà été mentionnées dans la loi de concorde civile et leurs indemnisations sont connues. Il y a les victimes affiliées à des organismes d'Etat. Il y a les familles des disparus et enfin les familles «éprouvées» par la participation des leurs dans des activités liées au terrorisme. Cette opération est confiée en grande partie au ministère de la Solidarité nationale. Il gère donc un budget de 512 milliards de dinars sous le chapitre générique de « transferts sociaux » qui représente 20% du budget de l'Etat ou 10% du PIB. La gestion s'effectuera suivant les dossiers qui lui sont fournis par les familles des victimes de la tragédie nationale et les organismes compétents, conformément aux critères spécifiés par les décrets relatifs aux indemnisations. Les nouveaux ayants droit viennent grossir les rangs des anciens de «la famille révolutionnaire», qui bénéficient d'indemnisations depuis 1962. Il va sans dire que ces budgets non productifs de richesses constituent une charge pour le Trésor public. Charge à laquelle il faudra additionner les pertes de l'équivalent de 20 milliards de dollars de destructions d'infrastructures et de 200.000 morts. Le coût de la tragédie nationale est énorme. Même si on se targue de dire que l'aisance financière -grâce aux rentrées des hydrocarbures- nous permet certaines folies, il y a des évidences qui ne trompent personne. La tragédie nationale a été coûteuse. Nous continuerons de payer pendant très longtemps, les erreurs politiques commises. Les éléments de l'ex-FIS qui sont disqualifiés par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, ainsi que les éléments de son aile militaire dissoute, l'AIS, ne veulent pas d'une solution sous forme «d'aide de la solidarité nationale». Si on se fie aux déclarations de l'ancien émir de l'AIS, qui s'est exprimé après avoir pris connaissance des textes d'ordonnance et de décrets relatifs à la Charte pour la paix et la réconciliation, il y a un goût amer de retournement de situation. Ce dernier avait, rappelle-t-on, pris part à la campagne de sensibilisation pour la Charte, et s'était dressé contre le chef historique de l'ex-FIS, Abassi Madani, pour faire aboutir le projet de réconciliation, initié par le président Bouteflika. Il se sent aujourd'hui, «trahi» par les rédacteurs des textes. Non seulement, ils le mettent hors course quant à la participation à la vie politique nationale, dans un futur proche ou lointain, mais ils le laissent à la merci de la solidarité nationale. Les aides - comme spécifiées dans les textes - s'apparentent à une forme de «charité» que rejettent les éléments de l'ex-AIS qui espèrent un rééquilibrage de la part du président de la République, comme ultime et unique façon leur permettant de sauver la face.